La mise
en place de l’Interinstitutionnelle au regard des prérogatives du Président de
la République selon l’article 69 de la Constitution
L’Interinstitutionnelle a été créée le 6 octobre 2009. Depuis cette
date, elle se réunit à intervalles réguliers et aborde des questions qui
relèvent des différentes institutions de la République. Les représentants de
ces dernières recevant des recommandations sur les matières à traiter en
priorité dans leurs institutions respectives.
Devant l’impossibilité subjective d’accéder à l’acte créateur de l’Interinstitutionnelle
pour en examiner la validité, je me bornerai à l’étude des comptes rendus des
réunions accessibles : le « communiqué de presse » de la réunion
du 20 mars 2010 à Kingakati-Buene qui s’est poursuivie le 27 du même mois au Palais du
peuple (ci-après : communiqué de presse du 27 mars) sous la présidence
respectivement du Président de la République et du Président du Sénat[1] ;
le « compte rendu » de la réunion du 11 novembre 2010 qui s’est tenue
à Lubumbashi (ci-après : compte rendu du 11 novembre) sous la présidence
du Président de la République[2].
D’après le compte rendu du 11 novembre, l’Interinstitutionnelle est un « cadre
de concertation sur la marche de la Nation entre le Chef de l’Etat et les
animateurs des institutions de la République ».
Le communiqué de presse du 27 mars et le compte rendu du 11 novembre
révèlent que l’Interinstitutionnelle est composée des membres ci-après : le
Président de la République, le Président de l’Assemblée
Nationale ; le Président du Sénat ; le Premier ministre ; le Premier Président
de la Cour Suprême de Justice ; le Procureur Général de la République ; le
Premier Président de la Haute Cour Militaire ; l’Auditeur Général près la Haute
Cour Militaire ; le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité
et le Directeur de Cabinet du Président de la République. D’après les matières
inscrites à l’ordre du jour, peuvent y être invités des responsables d’autres
institutions ou services publics concernés[3].
L’initiative est séduisante en tant qu’elle vise la
bonne marche du Congo-Kinshasa. Mais une question juridique se pose à propos de
son fondement constitutionnel ou au moins légal, au vu de sa composition et des
sujets qui y sont traités[4].
Il ne paraît donc pas superflu de commenter quelques-unes des matières
sur lesquelles s’est prononcée l’Interinstitutionnelle (I) avant d’en chercher un
éventuel fondement dans les missions essentielles du Président de la République
(II).
I. Commentaire de quelques matières abordées par
l’Interinstitutionnelle
L’interinstitutionnelle a proposé la révision de la Constitution (2) et
la création d’une structure d’accompagnement de la Commission électorale
nationale indépendante (CENI) (3). Son travail se situe dans la continuité de
celui d’une Commission interinstitutionnelle ad hoc qui a été créée par le Président de la République (1).
1. La création de la Commission interinstitutionnelle
Il ressort du communiqué de
presse du 27 mars qu’une commission interinstitutionnelle ad hoc relative à l’évaluation de la mise en œuvre de la
Constitution du 18 février 2006 a été créée par le Président de la République,
après concertation avec les animateurs des autres institutions, en date du 15
juillet 2009. Elle était composée des
Experts représentant le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat,
le Premier ministre, le Premier président de la Cour suprême de justice, ainsi
que le Cabinet du Président de la République (dans la suite : les
Experts).
Cette initiative
découlerait de sa mission constitutionnelle de gardien de la Constitution ou de
sa prérogative d’initier la révision de la Constitution. Dans la dernière
hypothèse, il ne devrait pas, même s’il peut consulter, mettre dans la
commission les représentants d’autres institutions, telles que le pouvoir
législatif et le pouvoir judiciaire. Selon la première mission, il suffit de
s’adresser aux instances compétentes, en l’occurrence le Parlement et le
Gouvernement qui ont l’initiative des lois qui mettent en œuvre la Constitution.
Cette commission, bien qu’informelle, n’avait pas sa raison d’être et fait
penser à l’idée d’un président qui serait au-dessus d’autres institutions et
qui de ce fait pourrait porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Il est
vrai qu’il représente le pouvoir de l’État, mais il est tout aussi vrai qu’il
est le chef du pouvoir exécutif et a des compétences propres en tant que chef
de l’État au-delà desquelles il ne peut aller sous peine de violer la
Constitution. Retenons tout de même que l’Interinstitutionnelle ayant succédé à
cette commission est créée à l’initiative du Président de la République.
2. La proposition de la révision constitutionnelle
L’Interinstitutionnelle a proposé la révision de la Constitution sur
plusieurs points, notamment le mandat présidentiel, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le
fonctionnement des Institutions provinciales, le droit au retour des Députés et Sénateurs appelés
à d’autres fonctions, le système électoral[5].
2.1. Le mandat présidentiel
Les Experts avaient estimé qu’il fallait réviser la durée du mandat et
le nombre de mandats du Président de la République[6],
ignorant le caractère irrévisable de cette norme de l’article 70 alinéa premier,
en vertu de l’article 220 alinéa 2 Cst. Il est déplorable que l’Institutionnelle
ait renvoyé la question à une réflexion approfondie au lieu de se référer à la
Constitution qui y donne une solution qui s’impose à tous.
2.2. Le découpage
territorial et la question des recettes à caractère national « allouées
aux Provinces »
Au sujet du découpage
territorial, l’Interinstitutionnelle fait un aveu suivi d’une
proposition : « Devant l’impasse résultant de l’insuffisance du temps
matériel et des ressources nécessaires à la mise en œuvre dans les délais
prévus de l’article 226, alinéa 1er de la Constitution, l’Interinstitutionnelle
propose la modification de l’article 226 alinéa 1er de la Constitution
en ramenant la question de la programmation du découpage à la compétence de la loi. »[7]
Le découpage territorial
est censé être effectif et l’article 226 Cst, alinéa premier, est devenu sans
objet, le délai constitutionnel pour sa mise en œuvre étant déjà échu. Son
remplacement par une autre norme est plus qu’urgente dans le respect de la
procédure de révision prévue par la Constitution (art. 218 Cst), car les
provinces de fait, telles qu’elles existent aujourd’hui, fonctionnent dans la
paraconstitutionnalité[8].
À
propos de la question des recettes à caractère national allouées aux Provinces,
l’Interinstitutionnelle est partie d’un constat. D’après elle, le
problème étant posé à ce jour, moins en termes de clé globale de répartition
qu’en termes de modalité de perception et de répartition des 40% des recettes à
caractère national allouées aux Provinces, il est judicieux de renvoyer à la
compétence de la loi la question des modes de perception et de répartition de
la part des recettes à caractère national allouées aux Provinces[9]. Au
fond, il est préconisé ici la révision de l’article 175 al. 2 et 3 Cst. Mais ces
dispositions sont très claires : l’alinéa 2 prévoit de la rétention à la
source des recettes à caractère national allouées aux provinces (art. 175 al. 2
Cst) et troisième l’alinéa renvoie au domaine de la loi « la nomenclature
des autres recettes locales et la modalité de leur répartition » (art. 175
al. 3 Cst). Il aurait fallu inviter le pouvoir central et les provinces au
respect de la Constitution plutôt que de proposer la révision de celle-ci.
2.3. L’indépendance du
pouvoir judiciaire
Sur l’indépendance du
pouvoir judiciaire, on peut lire dans le communiqué de presse du 27 mars :
« Le Ministère public étant, par essence, le bras opérationnel du
Gouvernement dans la mise en œuvre de sa politique criminelle,
l’interinstitutionnelle considère aberrant l’extension du principe d’indépendance
du pouvoir judiciaire aux Parquets civils et militaires et recommande la
modification des dispositions de l’article 149 alinéa 1er de la Constitution
par la suppression de l’incise ‘ainsi que les parquets rattachés à ces
juridictions’. »[10]
En clair, l’Interinstitutionnelle propose de faire dépendre le Ministère
public du Gouvernement. Cette dépendance est conforme à l’origine du Ministère
public et à sa mission essentielle au service de l’Exécutif. Mais alors, il
faudrait le soustraire institutionnellement au pouvoir judiciaire et en faire
purement et simplement un avocat de l’Exécutif. En contrepartie, il faudrait instituer
un juge d’instruction indépendant pour garantir l’indépendance de la procédure
judiciaire inquisitoire et défendre la loi.
Elle propose également de
ramener au domaine de la loi la composition du Conseil supérieur de la magistrature
sans dire pourquoi. Or, cette composition telle qu’elle est prévue par la
Constitution est voulue ainsi et est apte à assurer l’indépendance du pouvoir
judiciaire. La ramener au domaine législatif ne se justifie pas. .
À noter qu’en RDC,
contrairement à la France, le Judiciaire est un pouvoir et non une autorité et,
de ce fait, il est concerné par la séparation des pouvoirs. En effet, c’est pour
des raisons historiques qu’en France la méfiance vis-à-vis des juges a fait
dépendre le Judiciaire de l’Exécutif, en en faisant une simple autorité non
concernée par la séparation des pouvoirs. Aussi, est-ce le président de la
République qui est le garant de l’indépendance de la justice (art. 64 CstFr) et
qui a été jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008 Président du Conseil supérieur
de la magistrature (CSM)[11]. Pour
le moment, c’est le premier président de la Cour de cassation qui préside la
formation plénière du CSM (cf. art. 65 al. 8 Cst)[12]. Le Congo
qui était déjà en avance par rapport à la France ne devrait pas revenir à un
système contraire à la séparation des pouvoirs et auquel son modèle a déjà
renoncé en vue de renforcer l’indépendance de la justice.
2.4. Le fonctionnement
des institutions provinciales
Dans le communiqué de
presse du 27 mars, on peut lire : « Ayant constaté que les
institutions provinciales sont devenues des sources de confusion politique et
des disfonctionnements répétitifs, l’Interinstitutionnelle suggère : la
recherche des mécanismes de rationalisation des rapports entre le pouvoir
central et les institutions provinciales et à l’intérieur de ces dernières; la
revisitassions (sic) des textes
régissant les institutions provinciales pour instaurer des soupapes permettant
d’arrêter le désordre, tout en consolidant le jeu démocratique. »[13]
L’Interinstitutionnelle ne décrit pas le désordre qu’elle relève et attribue à
tort la « confusion politique et des dysfonctionnements répétitifs »
aux institutions provinciales.
À noter qu’au sujet de la
répartition des compétences entre le pouvoir central et les provinces, la
Constitution a prévu, en ses articles 201-206, des règles suffisamment claires
sur les compétences exclusives et les compétences concurrentes. La question
pourrait, certes, se poser concernant les secondes compétences. Dans ce cas, il
faut que le pouvoir central ait entendu régler exhaustivement une question pour
que les provinces doivent renoncer à légiférer sur la même question par respect
pour la primauté du droit national (art. 205 al. 5 et 206 Cst). Pour moi, c’est le respect de la répartition
constitutionnelle des compétences aussi bien par le pouvoir central que par les
provinces qui permet d’éviter toute confusion et tout désordre et, en cas de
non respect, la Cour constitutionnelle peut toujours être saisie, en tant que
juridiction compétente selon l’article 161 al.3 de la Constitution qui
dispose : « Elle (la Cour constitutionnelle) connaît des conflits de
compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre
l’État et les provinces. »
Contrairement à la
prétention de l’Interinstitutionnelle, il n’y a donc rien à rationaliser, mais
il est absolument impératif d’appliquer la Constitution en la matière.
Par ailleurs, sous
réserve des matières qui relèvent du droit national, le droit provincial doit, à
l’intérieur des provinces, régir tous les domaines qui lui ressortissent.
2.5. Le droit au retour
des députés et sénateurs appelés à d’autres fonctions
Sur le droit au retour
des parlementaires ayant été appelés à d’autres fonctions, le communiqué de
presse du 27 mars note : « L’interinstitutionnelle qui a rejeté la
possibilité de cumul de fonctions, suggère, pour des raisons évidentes, le retour
pur et simple des Députés et Sénateurs dans leurs Chambres respectives, en vue
de parachever leur mandat après l’interruption honorable des fonctions auxquelles
ils ont été appelés. ».
Sans entrer dans la
discussion sur la pertinence de la suggestion, il convient de relever ici le
fait que l’Interinstitutionnelle « a rejeté » la possibilité de cumul
de fonctions. On pourrait y soupçonner l’expression quasi-explicite d’une certaine
compétence d’orientation ou de conditionnement du travail législatif, en
affirmant déjà le retour pur et simple des députés et sénateurs dans leurs Chambres
respectives après l’interruption des fonctions auxquelles ils ont été appelés. Il
en résulterait que pour cette matière le Parlement n’a qu’un rôle de
formalisation des « décisions » de l’Interinstitutionnelle. Ce qui
pose le problème de la place de cette structure dans l’architecture
institutionnelle du Congo-Kinshasa.
2.5.
Le système électoral
À propos de la révision
du système électorale, l’Interinstitutionnelle a retenu ceci : « Afin
d’éviter les dysfonctionnements institutionnels résultant du système
proportionnel des listes, et d’assurer la représentativité de la femme dans le
cadre de la mise en œuvre du principe de la parité, l’interinstitutionnelle
adhère au principe de revisiter le système électoral. »[14]
Il faut tout de suite
souligner que l’Interinstitutionnelle s’arrête à une simple allégation générale
sans fournir une motivation pouvant permettre d’apprécier le bien-fondé de la
réforme qu’elle préconise d’instaurer le système majoritaire[15]. Quant
à la mise en œuvre de la parité, elle ne doit pas porter atteinte à l’égalité
de chance en matière des droits politiques[16].
On
observera par ailleurs qu’en matière
électorale, l’Interinstitutionnelle a, lors de sa rencontre de mars 2010, exhorté
les
deux Chambres du Parlement et le Gouvernement, chacun, dans la limite de ses
attributions à finaliser les lois s’y rapportant directement ou indirectement
et à fournir à la Commission Electorale Indépendante l’équipement nécessaire
pour exercer sa mission. Elle s’érige, peut-être sans s’en rendre compte, en
une instance supra-institutionnelle, mais sans fonder sa compétence.
3. La création d’une structure d’accompagnement de la
CENI
À sa réunion du 11 novembre
2010, l’Interinstitutionnelle a estimé qu’ « il convient de renforcer
les mécanismes actuels de suivi du processus électoral, par une représentation
du Cabinet du Président de la République, de l’Assemblée Nationale, du Sénat et
du Cabinet du Premier Ministre »[17]. La création d’une structure d’accompagnement ou de parrainage
de la CENI porterait atteinte à l’indépendance de cette
dernière. En plus, quels sont les moyens dont pourrait disposer cette structure
pour renforcer le suivi du processus électoral, lorsque dans la loi sur la CENI
on n’a prévu qu’un seul organe, le bureau ? C’est plutôt à ce niveau là
qu’il fallait prévoir d’autres organes pour ce renforcement au lieu d’envisager
la mise sur pied d’une structure extérieure qui n’aurait finalement aucune
raison d’être.
Par ailleurs, pour instituer une pareille structure, il faut qu’une
norme constitutionnelle le prévoie. On sait que l’article 222 alinéa 3 de la
Constitution attribue au Parlement la compétence d’instituer, le cas échéant, « d’autres
institutions d’appui à la démocratie ». Mais il doit s’agir des
institutions ayant pour objectif d’appuyer la démocratie et non les
institutions existantes. En tout état de cause, le Parlement ne peut créer qu’une
institution qui ne doit pas avoir de
tutelle sur la CENI.
Au vu des matières traitées par l’Interinstitutionnelle, d’une part, et
des suggestions, recommandations, propositions et exhortations adressées aux
différentes institutions publiques, d’autre part, on a l’impression qu’elle
indique à ces institutions les orientations générales sur ce qu’elles doivent
entreprendre dans l’exercice de leurs compétences respectives. De plus, l’influence
qu’elle peut avoir sur le fonctionnement de différentes institutions pourrait
faire penser à une structure supra-institutionnelle.
Une telle structure qui, de surcroît, statuerait comme en
amont sur des questions qui relèvent des différentes institutions de la
République doit avoir un fondement constitutionnel clair.
Puisque l’initiative de la mise en place de l’Interinstitutionnelle viendrait
du Président de la République, il convient d’interroger ses prérogatives
constitutionnelles.
II. Les missions du Président selon l’article 69
de la Constitution et la création de l’Interinstitutionnelle
On peut supposer que l’Interinstitutionnelle pourrait avoir été créée
sur la base de l’article 69 alinéa 3 de la Constitution qui prévoit pour le
Président de la République la prérogative d’assurer par
son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des
Institutions. Cette prérogative fait partie des missions essentielles que lui
attribuent ce même alinéa et l’alinéa précédent.
Il faut, tout de suite, relever que
l’article 69 de la Constitution congolaise est quasiment une reprise de
l’article 5 de la Constitution française[18].
« Quasiment » parce que la norme congolaise ajoute le mot
« Institutions » qui ne figure pas dans la norme française[19].
Dans
l’interprétation des dispositions de l’article 69 Cst, je m’inspirerai du
commentaire de l’article 5 CstFr[20].
L’alinéa premier de l’article 69 Cst définit le Président de la République
comme Chef de l’État, en tant qu’il représente la nation et symbolise l’unité
nationale. Il incarne, surtout vis-à-vis des tiers, le Pouvoir de l’État et
exerce les compétences que lui confère le Constitution, sans se substituer au
Peuple qui est la source de tout pouvoir[21].
Ses alinéas 2 et 3 reconnaissent au Président de la République ces missions essentielles :
la garde de la Constitution, la garantie par l’arbitrage du fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que de la continuité de
l’État et la garantie de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire
et du respect des traités. La dernière mission n’intéresse pas directement mon
propos qui se demande sur laquelle des prérogatives présidentielles on
pourrait fonder l’initiative de créer
l’Interinstitutionnelle.
1. La garde de la constitution
En
disposant que le Président de la République veille au respect de la
Constitution, l’article 69 al.2 Cst en fait le gardien de celle-ci. Cette garde
s’effectue, d’abord, à travers l’accomplissement de ses prérogatives constitutionnelles
dont celles de nommer trois membres de la Cour constitutionnelle (art. 158
al.1 Cst)[22], saisir
la Cour constitutionnelle d’un recours en interprétation de la Constitution
(art. 161 al.1 Cst), la consulter sur la constitutionnalité d’un traité (art.
216 Cst), la saisir d’un recours visant à faire déclarer une loi à promulguer
non-conforme à la Constitution (art. 139 al.1 chiffre 1 Cst) et de la conformité
à la Constitution des lois organiques avant leur promulgation (art. 124 ch.3
Cst). Ces prérogatives lui confèrent un rôle actif et efficace, bien
qu’indirect, pour sauvegarder la Constitution.
C’est
également en tant que gardien de la Constitution que le Président intervient
dans la vie institutionnelle : promulguer les lois (art.79 al.1 et 2 Cst),
convoquer et présider le Conseil des ministres (art. 79 al.1 Cst) ; nommer
le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement et mettre fin à leurs
fonctions (art. 78 Cst) ; nommer, relever de leurs fonctions et révoquer
les magistrats (art. 82 al.1 Cst). Il doit aussi exercer les pouvoirs que lui
confère l’article 85 Cst dans le but d’un retour à l’ordre public
constitutionnel ; Enfin, le rôle déterminant accordé au Président dans le
processus de révision de la Constitution (art. 89 Cst) contribue au respect de
celle-ci.
En
somme, le Président de la République veille au respect de la Constitution en
exerçant les compétences que lui confère cette dernière et non en s’octroyant
d’autres compétences qu’il aurait créées en vertu de la mission générale de
gardien de la Constitution. Ce serait une violation de celle-ci et donc une
entorse à sa mission. Il doit donc assurer la garde de la Constitution dans le
respect de cette dernière.
2. La garantie par l’arbitrage du fonctionnement
régulier des institutions et de la continuité de l’État
La
Constitution congolaise, en son article 69 alinéa 3, confère au Président de la
République la mission d’assurer « le fonctionnement régulier des services
publics et des institutions » ainsi que « la continuité de
l’État ». À cet effet, elle met à sa disposition un seul moyen : l’arbitrage.
Après en avoir présenté brièvement le développement sémantique en droit
constitutionnel français, on se penchera sur les deux buts de l’arbitrage
présidentiel dans la Constitution congolaise.
2.1. Le développement sémantique de l’arbitrage en
droit constitutionnel français
Le
droit constitutionnel français que reprend, mutatis
mutandis, le droit congolais, a essayé au fil du temps de préciser le sens
du mot « arbitrage ». En effet, la notion d’arbitrage a été beaucoup
commentée, car son sens est ambigu. Issue de la pensée gaullienne, elle a
progressivement révélé sa véritable portée.
La
référence à l’arbitrage du chef de l’État est traditionnelle dans les régimes
parlementaires. Gaston Doumergue l’évoquait en 1924 au moment où il prenait ses
fonctions de Président de la République : « nul plus que moi ne
demeurera au-dessus des partis pour être entre eux l’arbitre impartial »
et Vincent Auriol écrivait dans le Journal du septennat : « Présider,
pour moi est évidemment diriger sans décider…c’est arbitrer. » Le
rapprochement de ces deux déclarations laisse entrevoir l’ambiguïté de la
notion, la seconde traduisant une conception beaucoup plus active du rôle de
l’arbitre. Mais, pour les Présidents de la IIIe et de la IVe
Républiques l’arbitrage était conçu avant tout comme une magistrature
d’influence dont la réussite dépendait de la personnalité du Président. C’était
une notion incertaine. Cette incertitude
paraît avoir été voulue, maintenue et entretenue par tout le monde qui y
trouvait finalement son compte. Néanmoins,
on a soutenu que l’arbitrage recouvre des réalités très différentes, sans
cependant se réduire à la simple autorité morale.
La
Ve République a constitutionnalisé l’arbitrage présidentiel en
adoptant l’article 5 du texte de 1958. Cette norme constitue le cœur de la
fonction présidentielle. Aussi, est-il nécessaire de définir l’esprit dans lequel
l’arbitrage doit être exercé et de savoir si sa portée se limite aux
attributions qui s’y rattachent directement. En effet, depuis 1958, le débat n’a
pas cessé sur le contenu de la notion d’arbitrage. On a pensé à un arbitrage
impartial et indépendant entre institutions pour proposer une solution
acceptable par toutes. On a également pensé au Président comme un arbitre dont
on attend avant tout de la hauteur de vues, du détachement à l’égard de la
politique quotidienne, pour lui permettre de résoudre lui-même les conflits en
faisant prévaloir l’intérêt national.
L’instauration
de l’élection du Président de la République au suffrage universel, en 1962, a
alimenté davantage la réflexion sur sa mission politique. Certains ont estimé
qu’il peut entrer dans le jeu politique et définir les grandes lignes de
l’action gouvernementale, alors que d’autres ne lui reconnaissent pas une
grande initiative et l’ont cantonné dans des décisions ponctuelles nécessaires
au fonctionnement des institutions et à la continuité de l’État. En définitive,
c’est l’étendue des pouvoirs présidentiels qui est en cause. Ceux qui s’en
tiennent à une version un peu renforcée du Président le maintiennent en dehors du
jeu politique et attendent de lui un rôle de régulation, où il rappelle au
respect des règles et met parfois en route une procédure lorsque le système se
bloque. Les autres veulent en faire un pouvoir actif, statuant souverainement
en acteur, au sens plein, de la vie politique. La controverse est sans issue,
l’incertitude définitive, situation tout à l’avantage des Présidents[23].
Aussi, la doctrine française est arrivée au constat que l’arbitrage
présidentiel peut être neutre ou actif. L’idéal est que la neutralité soit le
principe et l’activité l’exception. Néanmoins, tout en représentant le pouvoir
de l’État, le Président de la République est le Chef de l’Exécutif et ne peut,
de ce fait, être vraiment neutre dans la conduite de la vie politique, sauf en
cas de cohabitation[24].
Ainsi donc, il faut retenir que l’arbitrage est neutre en situation de
cohabitation et actif lorsque le Président dispose de la majorité parlementaire[25].
2.2. L’arbitrage pour assurer le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et des institutions
Pour
assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, le
Président de la République peut recourir à l’arbitrage non seulement en cas de
dysfonctionnement ou blocage, mais aussi en temps normal. Dans les deux cas, il
doit utiliser ses prérogatives constitutionnelles.
2.2.1. En cas de dysfonctionnement institutionnel
Parmi
les prérogatives dont il peut être fait usage, on peut citer les attributions
suivantes : initier la révision de la Constitution (art. 218 al.1 Cst),
prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (art. 148 Cst). Sous réserve
de ces compétences propres, l’arbitrage du Président de la République pour
assurer « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des
institutions » consiste à solliciter les autres pouvoirs, au nom de l’État
dont il incarne le Pouvoir[26].
Il peut solliciter, entre autres, le Gouvernement en tant qu’il conduit la
politique de la Nation définie en concertation avec lui (art. 91 al.1 et 2 Cst),
le Parlement pour une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses
articles (art. 137 al.1 Cst) ou pour une proposition des réformes législatives
par message ou par discours (art. 77 Cst), ou le Conseil constitutionnel pour
le respect de la Constitution (cf. supra)[27].
Comme on peut le remarquer, l’arbitrage présidentiel pour assurer un fonctionnement
régulier ne consiste pas à trancher un quelconque litige entre institutions ou
entre pouvoirs publics. Il ne s’agit pas non plus d’une compétence générale, en
sus des compétences constitutionnelles ; il s’agit d’un arbitrage de
sollicitation et non de substitution, du pouvoir compétent, dans les cas prévus
par la Constitution[28].
2.2.2. En temps normal
Toujours,
en utilisant les moyens constitutionnels parmi ceux qui sont énumérés
ci-dessus, en temps normal, le Président de la République peut tout au plus, au
nom de l’État, conseiller les différentes institutions et non donner des
injonctions sous peine de porter atteinte au principe de la séparation des
pouvoirs. Il peut prodiguer des conseils au Gouvernement et, à travers lui, au
Pouvoir Judiciaire par le biais du Ministère de la Justice, au moment de la
définition concertée de la politique de la Nation (art. 91 al. 1 et 2 Cst) ou
lorsqu’il préside le Conseil des ministres art. 79 al. 1 Cst). Au Parlement,
les conseils peuvent être donnés par des messages et des discours (art. 77 Cst).
Faut-il fonder l’Interinstitutionnelle sur cet arbitrage ?
La
réponse ne peut être positive. En effet, lorsqu’on se réfère aux questions
traitées au sein de cette structure, on se rend tout de suite compte qu’il ne
s’agit pas des conseils que le Chef de l’Exécutif donne aux autres
institutions. Il s’agit de discuter sur des matières qui relèvent des
différentes institutions et de fixer les orientations générales qui sont
recommandées à ces institutions. Par conséquent, on ne pourrait pas fonder
l’initiative de créer l’Interinstitutionnelle sur l’arbitrage de conseil[29].
2.3. L’arbitrage pour assurer la continuité de
l’État
L’arbitrage
est également pour le Président de la République un moyen lui permettant
d’assurer la continuité de l’État, en tant que celui qui en incarne le pouvoir.
L’idée est que l’État doit continuer de fonctionner, même lorsqu’il est menacé,
dans son intégrité ou dans ses services, par des circonstances graves. Pour intervenir,
le Président de la République ne doit pas attendre une atteinte ; il
suffit qu’une menace grave pèse sur l’intégrité de l’État et le fonctionnement
de ses institutions. On est presque dans l’hypothèse de la prévention d’un
danger grave et immédiat (par exemple, menace d’un conflit armé, d’une
catastrophe naturelle ou d’une démission en masse des ministres de l’opposition
majoritaire au Parlement, etc.). Dans ce cas, le contenu de l’arbitrage est
précisé par l’article 85 Cst qui relève du souci d’assurer la « continuité
de l’État ». Dans le respect des conditions de fond (menaces graves et
immédiates sur l’indépendance ou l’intégrité du territoire national, ou
interruption du fonctionnement régulier des institutions[30])
et de procédure (concertation conformément aux articles 144 et 145 Cst avec le
Premier ministre et les Présidents des deux Chambres), l’arbitrage du Président
de la République aux fins d’assurer la continuité de l’État consiste exclusivement
dans la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège[31].
Une loi devra déterminer les modalités d’application de l’état d’urgence et de
l’état de siège. Comme on peut l’observer, il s’agit pour le Président de la
République des pouvoirs exceptionnels, mieux des véritables pouvoirs de crise[32].
Il
ressort de cette étude que la compétence constitutionnelle de veiller au
respect de la Constitution et d’assurer par son arbitrage le fonctionnement
régulier des institutions ne confère pas au Président de la République une
autre prérogative de se créer la prérogative de se substituer aux autres
pouvoirs ou de créer des institutions sans mandat constitutionnel clair. Pareille
compétence ne peut être exercée que sur la base d’une norme constitutionnelle.
En outre, l’Interinstitutionnelle ne peut être qu’une structure créée par la
Constitution.
Cette
double exigence n’est pas réalisée en l’espèce. L’Interinstitutionnelle n’est
donc fondée sur aucune des missions essentielles que la Constitution confère au
Président de la République. Elle ne constitue pas non plus une modalité
d’arbitrage prévue par la Constitution. Par conséquent, elle est une structure
sans base juridique, un « non-être juridique ». Pour lui donner une « juridicité »,
il faut un fondement constitutionnel ou une base légale expresse sur habilitation
constitutionnelle. Pour cela, la nécessité s’impose d’une révision
constitutionnelle. Sans cette révision et ou en l’attendant, l’Interinstitutionnelle
ne devrait plus exister. Son maintien ne peut être que paraconstitutionnel.
Professeur
Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE
Dr iur
[3] Ainsi
ont déjà été invités le Ministre des Finances, le Président de la Commission
électorale indépendante, le Commissaire
Général et le Coordonnateur du Comité Scientifique du Cinquantenaire.
[4] En effet, la première réunion des 20 et 27 mars 2010
prévoyait les points suivants à l’ordre du jour : les échéances électorales
2011 ; la situation sécuritaire ; le mandat de la MONUC ; la révision
de la Constitution et de la loi électorale ; le Cinquantenaire de
l’indépendance. Celle du 11 novembre prévoyait cet ordre du
jour : la situation
sécuritaire du pays; l’État de territoire; l’État des lieux du processus
électoral; les activités parlementaires; le rapport du projet Mapping sur les
violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire
commises en Rdc entre 1993 et 2003; la problématique des taxes provinciales
renvoyée à une réunion entre le Pouvoir central et les provinces.
[5] À propos de la
révision de la Constitution, l’Interinstitutionnelle s’est appropriée le rapport de
la Commission interinstitutionnelle ad
hoc relative à l’évaluation de la mise en œuvre de la Constitution
du 18 février 2006. Cette Commission, instituée consécutivement à
la décision prise par le Chef de l’État aux termes de sa concertation,
en date du 15 juillet 2009, avec les animateurs des autres institutions,
était composée des Experts représentant le Président, de l’Assemblée
Nationale, le Président du Sénat, le Premier Ministre, le Premier
Président de la Cour Suprême de Justice, ainsi que le Cabinet du
Président de la République. Ces experts ont trouvé « la nécessité
de modifier certaines dispositions de la Constitution et de la loi électorale,
en vue d’opérer un recentrage autour de certains impératifs majeurs,
notamment : le mandat du Président de la République ; le découpage territorial ; la question
des recettes à caractère national alloués aux Provinces ; la question de
la nationalité ; l’indépendance du pouvoir judiciaire ; le Conseil
Supérieur de la Magistrature ; le fonctionnement des Institutions
provinciales ; le droit au retour des Députés et Sénateurs appelés à
d’autres fonctions ; le système électoral ; les immunités ; le
régime politique ; l’extension de la compétence des juridictions
militaires. » Le communiqué de presse révèle que
« l’Interinstitutionnelle a renvoyé certaines de ces questions à
une réflexion approfondie et s’est clairement prononcée sur
d’autres » (Communiqué
de presse du 27 mars 2010 sous « Concernant
la révision de la Constitution et de la loi électorale »).
[6] Communiqué
de presse du 27 mars 2010 sous « Concernant la révision de la Constitution et de la
loi électorale ».
[8] Sur
la notion de paraconstitutionnalité, lire Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE,
« La décision n°30/CEI/BUR/10
du 09 août 2010 portant publication du calendrier du processus électoral
2010-2013 en RDC et la ‘paraconstitutionnalité’ au Congo-Kinshasa »,
Septembre 2010, in : http:// www.droitcongolais.info, sous Études
et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[9] Communiqué de presse
du 27 mars 2010, sous « De la question des recettes à caractère national
alloués aux Provinces ».
[10] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « De
l’indépendance du pouvoir judiciaire ».
[11] Simon-Louis FORMERY, La constitution commentée article par article, 13e éd.,
Hachette, Paris 2010-2011, ad art. 65, p. 134 ; Pierre
PACTET / Ferdinand MÉLIN-SOURAMANIEN, Droit
constitutionnel, 27e éd. Sirey, Paris 2008, p. 522-524.
[12] À noter qu’en vertu de
l’article 65 CstFr, le CSM comprend deux formations : une formation
compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à
l’égard des magistrats du parquet (al.1). La première est présidée par le
premier président de la Cour de cassation (al.2) et la seconde par le procureur
général près la Cour de cassation (al.3)
[13] Communiqué de presse du 27 mars 2010,
sous
« Du fonctionnement des Institutions
provinciales ».
[15] Le système majoritaire
permet l’élection des candidats représentant la tendance majoritaire au sein du
corps électoral, afin que leur parti dispose d’une majorité au parlement et de
pouvoir former un gouvernement stable. Le système proportionnel a pour but la
transposition proportionnelle des suffrages en mandats, afin que la composition
du parlement reflète aussi fidèlement que possible les rapports de force entre
les divers partis. Le premier système est en faveur de la majorité et exclut du
pouvoir tous les partis minoritaires, tandis que le second leur fait participer
au pouvoir leur permettant ainsi de présenter leurs opinions sur le
fonctionnement de la res publica (Sur
les détails concernant ces deux systèmes, voir : Andreas AUER / Giorgio
MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit
constitutionnel suisse, Vol. I : L’État, 2e éd., Stämpfli,
Berne 2006, p. 218-228). À noter qu’il est certes vrai que le système
majoritaire accorde au pouvoir une grande marge de manœuvre pour la mise en
œuvre de sa politique. Toutefois, il n’est peut-être pas encore judicieux de
l’instaurer dans un État caractérisé par des velléités d’autoritarisme et
d’autocratie.
[16] Cf.
Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, « L’
‘infra-constitutionalité’ matérielle du principe de la parité homme-femme en
droit congolais, Février 2010 », in : http://
www.droitcongolais.info, sous Études
et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[17] Cf. Compte rendu du 11 novembre
2010, chiffre 4 sous point III consacré à l’état des lieux du processus
électoral.
[18]
L’article 5 de la Constitution française a cette teneur : « Le
Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par
son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la
continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de
l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Cette norme
française a une histoire et a été l’objet de plusieurs interprétations qui
doivent inspirer les juristes congolais dans la recherche du sens à donner à
l’article 69 de la Constitution. Dans la Constitution française, le Président
est présenté juste après la souveraineté et occupe ainsi la première place au
nombre des institutions comme leur clé de voûte.
[19] À noter que la
frontière entre pouvoir public et institution en droit constitutionnel est très
ténue, car leurs référents ont des relations si pas d’équivalence, mais au
moins d’inclusion (voir : article 68 Cst et normes définissant différents
pouvoirs et institutions).
[20] Dans la suite, après
un article ou des articles, Cst désigne la Constitution congolaise et CstFr la
Constitution française.
[21] Sur le titre de Chef
de l’État, lire Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE : « Le danger de
l’expression Chef de l’État pour le principe de la séparation des
pouvoirs en République démocratique du Congo», in : http://
www.droitcongolais.info, sous
Études et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[22] Il faut
relever ici qu’en France le Président du Conseil constitutionnel est nommé
discrétionnairement par le Président de la République (art. 56 al. 3 CstFr),
tandis qu’au Congo celui de la Cour constitutionnelle doit être élu par ses
pairs (art. 158 al.5 Cst). Ce qui constitue une avancée significative par
rapport à la France.
[23] On a noté que les
différents Présidents ne se sont guère intéressés à la querelle sémantique sur
l’arbitrage. Tous se sont plu à se proclamer arbitre lorsqu’il fallait rassurer
sur leurs intentions, faire accepter des décisions difficiles, assumer le
personnage de Président de tous les Français. Mais ce n’est pas par rapport à
l’arbitrage qu’ils se sont le plus souvent attachés à définir la fonction
Présidentielle et le rôle vers lequel va leur faveur. Ils ont préféré se
qualifier de « guide » (de Gaulle), de « premier responsable
national » (Georges Pompidou, François Mitterrand), d’animateur « de la
politique d’ensemble » (Giscard d’Estaing), formules qui, avec d’autres
analogues, soulignent sans équivoque la part prise par le Président dans la
définition et la conduite des affaires de la nation et qui, toutes, dépassent
de beaucoup le contenu de l’arbitrage – même dans sa conception la plus
extensive, le Président est le maître de la politique gouvernementale (Olivier
DUMAHEL / Yves MÉNY, Dictionnaire
constitutionnel, PUF, Paris 1992, verbo
« Arbitrage »).
[24] En
période de cohabitation, le Président de la République est « en fait
l’homme des périodes de crise bien davantage que l’exercice continu du
pouvoir » (PACTET
/ MÉLIN-SOURAMANIEN, p. 363).
[25] À
noter que l’arbitrage du Président de la République est à distinguer de celui
du Premier ministre. Celui-ci est régulièrement, en tant que chef du
gouvernement, appelé à rendre des arbitrages, c’est-à-dire à trancher des
différends qui peuvent exister sur une décision entre les ministres.
[26] Voir : PACTET
/ MÉLIN-SOURAMANIEN, p. 362. Une liste exhaustive des compétences du
Président de la République, reprise de la Constitution, est dressée dans l’ouvrage
de Félix VUNDUAWE te PEMAKO, Traité
administratif, Larcier, Belgique 2007, p. 120-122.
[27] À
noter que, dans un arrêt du 10 octobre 2001 rendu sur le statut pénal du Chef
de l’État (voir art.68 Cst Fr), la Cour de cassation française se fonde
implicitement sur l’article 5 CstFr pour justifier l’immunité pénale dont
bénéficie le Président ; elle estime ainsi « qu’étant élu directement
par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs
publics ainsi que la continuité de l’État, le Président de la République ne
peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni
être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une
juridiction pénale de droit commun ».
[28] Cette
vision est celle donnée par Michel Debré : « Le Président de la
République n’a pas d’autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir,
(…) mais cette possibilité de solliciter est fondamentale » (discours
devant le Conseil d’État, 27 août 1958).
[29] À
noter que l’idée d’arbitrage de conseil remonte à Charles de Gaulle qui, en
1946 à Bayeux, évoquait déjà « un arbitrage national » limité à un
rôle de « conseil » en temps normal (Voir : Olivier DUMAHEL /
Yves MÉNY, verbo
« Arbitrage ».
[30] En 1961, le Conseil
constitutionnel avait estimé que la rébellion militaire menaçait les
institutions et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics était
interrompu lorsqu’étaient détenus par les putschistes en Algérie un membre du
gouvernement (Robert Buron, ministre des Travaux publics) et les principales
autorités civiles et militaires (Voir : Simon-Louis
FORMERY, ad art.16 CstFr, p. 51).
[31] Les articles 144 et 145 Cst
constituent des grades-fou à l’exercice de cette prérogative exceptionnelle du
Président de la République. Voici la teneur de ces deux normes
constitutionnelles : Art. 144 : « En application des
dispositions de l’article 85 de la présente Constitution, l’état de siège,
comme l’état d’urgence, est déclaré par le Président de la République.
L’Assemblée nationale et le Sénat se
réunissent alors de plein droit. S’ils ne sont pas en session, une session
extraordinaire est convoquée à cet effet conformément à l’article 116 de la
présente Constitution. La clôture des sessions ordinaires ou extraordinaires
est de droit retardée pour permettre, le cas échéant, l’application des
dispositions de l’alinéa précédent. L’état d’urgence ou l’état de siège
peut être proclamé sur tout ou partie du territoire de la République pour une
durée de trente jours. L’ordonnance proclamant l’état d’urgence ou l’état de
siège cesse de plein droit de produire ses effets après l’expiration du délai
prévu à l’alinéa trois du présent article, à moins que l’Assemblée nationale et
le Sénat, saisis par le Président de la République sur décision du Conseil des
ministres, n’en aient autorisé la prorogation pour des périodes successives de
quinze jours. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent, par une loi,
mettre fin à tout moment à l’état d’urgence ou à l’état de siège. »
Article 145 : « En cas d’état d’urgence ou d’état de siège, le
Président de la République prend, par ordonnances délibérées en Conseil des
ministres, les mesures nécessaires pour faire face à la situation. Ces
ordonnances sont, dès leur signature, soumises à la Cour constitutionnelle qui,
toutes affaires cessantes, déclare si elles dérogent ou non à la présente
Constitution. »
[32] Dans ce sens : Simon-Louis FORMERY, ad art.16 CstFr, p. 50 ss ; André LEGRAND / Céline WIENER, Le droit public. Droit constitutionnel,
Droit administratif, Finances publiques, Institutions européennes, Nouvelle
édition revue et augmentée, La documentation française, 2009, p. 32.
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