mercredi 9 avril 2014

L'Interinstitutionnelle et les prérogatives du Président de la République en RDC




La mise en place de l’Interinstitutionnelle au regard des prérogatives du Président de la République selon l’article 69 de la Constitution


L’Interinstitutionnelle a été créée le 6 octobre 2009. Depuis cette date, elle se réunit à intervalles réguliers et aborde des questions qui relèvent des différentes institutions de la République. Les représentants de ces dernières recevant des recommandations sur les matières à traiter en priorité dans leurs institutions respectives.
Devant l’impossibilité subjective d’accéder à l’acte créateur de l’Interinstitutionnelle pour en examiner la validité, je me bornerai à l’étude des comptes rendus des réunions accessibles : le « communiqué de presse » de la réunion du 20 mars 2010 à Kingakati-Buene qui s’est poursuivie le 27 du même mois au Palais du peuple (ci-après : communiqué de presse du 27 mars) sous la présidence respectivement du Président de la République et du Président du Sénat[1] ; le « compte rendu » de la réunion du 11 novembre 2010 qui s’est tenue à Lubumbashi (ci-après : compte rendu du 11 novembre) sous la présidence du Président de la République[2]. D’après le compte rendu du 11 novembre, l’Interinstitutionnelle est un « cadre de concertation sur la marche de la Nation entre le Chef de l’Etat et les animateurs des institutions de la République ».  
Le communiqué de presse du 27 mars et le compte rendu du 11 novembre révèlent que l’Interinstitutionnelle est composée des membres ci-après : le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale ; le Président du Sénat ; le Premier ministre ; le Premier Président de la Cour Suprême de Justice ; le Procureur Général de la République ; le Premier Président de la Haute Cour Militaire ; l’Auditeur Général près la Haute Cour Militaire ; le Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et Sécurité et le Directeur de Cabinet du Président de la République. D’après les matières inscrites à l’ordre du jour, peuvent y être invités des responsables d’autres institutions ou services publics concernés[3]
L’initiative est séduisante en tant qu’elle vise la bonne marche du Congo-Kinshasa. Mais une question juridique se pose à propos de son fondement constitutionnel ou au moins légal, au vu de sa composition et des sujets qui y sont traités[4]. Il ne paraît donc pas superflu de commenter quelques-unes des matières sur lesquelles s’est prononcée l’Interinstitutionnelle (I) avant d’en chercher un éventuel fondement dans les missions essentielles du Président de la République (II).

I. Commentaire de quelques matières abordées par l’Interinstitutionnelle
L’interinstitutionnelle a proposé la révision de la Constitution (2) et la création d’une structure d’accompagnement de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) (3). Son travail se situe dans la continuité de celui d’une Commission interinstitutionnelle ad hoc qui a été créée par le Président de la République (1).
1. La création de la Commission interinstitutionnelle
Il ressort du communiqué de presse du 27 mars qu’une commission interinstitutionnelle ad hoc relative à l’évaluation de la mise en œuvre de la Constitution du 18 février 2006 a été créée par le Président de la République, après concertation avec les animateurs des autres institutions, en date du 15 juillet 2009. Elle était composée des Experts représentant le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le Premier ministre, le Premier président de la Cour suprême de justice, ainsi que le Cabinet du Président de la République (dans la suite : les Experts).
Cette initiative découlerait de sa mission constitutionnelle de gardien de la Constitution ou de sa prérogative d’initier la révision de la Constitution. Dans la dernière hypothèse, il ne devrait pas, même s’il peut consulter, mettre dans la commission les représentants d’autres institutions, telles que le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Selon la première mission, il suffit de s’adresser aux instances compétentes, en l’occurrence le Parlement et le Gouvernement qui ont l’initiative des lois qui mettent en œuvre la Constitution. Cette commission, bien qu’informelle, n’avait pas sa raison d’être et fait penser à l’idée d’un président qui serait au-dessus d’autres institutions et qui de ce fait pourrait porter atteinte à la séparation des pouvoirs. Il est vrai qu’il représente le pouvoir de l’État, mais il est tout aussi vrai qu’il est le chef du pouvoir exécutif et a des compétences propres en tant que chef de l’État au-delà desquelles il ne peut aller sous peine de violer la Constitution. Retenons tout de même que l’Interinstitutionnelle ayant succédé à cette commission est créée à l’initiative du Président de la République.




2. La proposition de la révision constitutionnelle
L’Interinstitutionnelle a proposé la révision de la Constitution sur plusieurs points, notamment le mandat présidentiel, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le fonctionnement des Institutions provinciales, le droit au retour des Députés et Sénateurs appelés à d’autres fonctions, le système électoral[5].
2.1. Le mandat présidentiel
Les Experts avaient estimé qu’il fallait réviser la durée du mandat et le nombre de mandats du Président de la République[6], ignorant le caractère irrévisable de cette norme de l’article 70 alinéa premier, en vertu de l’article 220 alinéa 2 Cst. Il est déplorable que l’Institutionnelle ait renvoyé la question à une réflexion approfondie au lieu de se référer à la Constitution qui y donne une solution qui s’impose à tous.
2.2. Le découpage territorial et la question des recettes à caractère national « allouées aux Provinces »
Au sujet du découpage territorial, l’Interinstitutionnelle fait un aveu suivi d’une proposition : « Devant l’impasse résultant de l’insuffisance du temps matériel et des ressources nécessaires à la mise en œuvre dans les délais prévus de l’article 226, alinéa 1er de la Constitution, l’Interinstitutionnelle propose la modification de l’article 226 alinéa 1er de la Constitution en ramenant la question de la programmation du découpage à la compétence de la loi. »[7]
Le découpage territorial est censé être effectif et l’article 226 Cst, alinéa premier, est devenu sans objet, le délai constitutionnel pour sa mise en œuvre étant déjà échu. Son remplacement par une autre norme est plus qu’urgente dans le respect de la procédure de révision prévue par la Constitution (art. 218 Cst), car les provinces de fait, telles qu’elles existent aujourd’hui, fonctionnent dans la paraconstitutionnalité[8].
À propos de la question des recettes à caractère national allouées aux Provinces, l’Interinstitutionnelle est partie d’un constat. D’après elle, le problème étant posé à ce jour, moins en termes de clé globale de répartition qu’en termes de modalité de perception et de répartition des 40% des recettes à caractère national allouées aux Provinces, il est judicieux de renvoyer à la compétence de la loi la question des modes de perception et de répartition de la part des recettes à caractère national allouées aux Provinces[9]. Au fond, il est préconisé ici la révision de l’article 175 al. 2 et 3 Cst. Mais ces dispositions sont très claires : l’alinéa 2 prévoit de la rétention à la source des recettes à caractère national allouées aux provinces (art. 175 al. 2 Cst) et troisième l’alinéa renvoie au domaine de la loi « la nomenclature des autres recettes locales et la modalité de leur répartition » (art. 175 al. 3 Cst). Il aurait fallu inviter le pouvoir central et les provinces au respect de la Constitution plutôt que de proposer la révision de celle-ci.
2.3. L’indépendance du pouvoir judiciaire
Sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, on peut lire dans le communiqué de presse du 27 mars : « Le Ministère public étant, par essence, le bras opérationnel du Gouvernement dans la mise en œuvre de sa politique criminelle, l’interinstitutionnelle considère aberrant l’extension du principe d’indépendance du pouvoir judiciaire aux Parquets civils et militaires et recommande la modification des dispositions de l’article 149 alinéa 1er de la Constitution par la suppression de l’incise ‘ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions’. »[10]  
En clair, l’Interinstitutionnelle propose de faire dépendre le Ministère public du Gouvernement. Cette dépendance est conforme à l’origine du Ministère public et à sa mission essentielle au service de l’Exécutif. Mais alors, il faudrait le soustraire institutionnellement au pouvoir judiciaire et en faire purement et simplement un avocat de l’Exécutif. En contrepartie, il faudrait instituer un juge d’instruction indépendant pour garantir l’indépendance de la procédure judiciaire inquisitoire et défendre la loi.
Elle propose également de ramener au domaine de la loi la composition du Conseil supérieur de la magistrature sans dire pourquoi. Or, cette composition telle qu’elle est prévue par la Constitution est voulue ainsi et est apte à assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire. La ramener au domaine législatif ne se justifie pas. .
À noter qu’en RDC, contrairement à la France, le Judiciaire est un pouvoir et non une autorité et, de ce fait, il est concerné par la séparation des pouvoirs. En effet, c’est pour des raisons historiques qu’en France la méfiance vis-à-vis des juges a fait dépendre le Judiciaire de l’Exécutif, en en faisant une simple autorité non concernée par la séparation des pouvoirs. Aussi, est-ce le président de la République qui est le garant de l’indépendance de la justice (art. 64 CstFr) et qui a été jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008 Président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)[11]. Pour le moment, c’est le premier président de la Cour de cassation qui préside la formation plénière du CSM (cf. art. 65 al. 8 Cst)[12]. Le Congo qui était déjà en avance par rapport à la France ne devrait pas revenir à un système contraire à la séparation des pouvoirs et auquel son modèle a déjà renoncé en vue de renforcer l’indépendance de la justice.  
2.4. Le fonctionnement des institutions provinciales
Dans le communiqué de presse du 27 mars, on peut lire : « Ayant constaté que les institutions provinciales sont devenues des sources de confusion politique et des disfonctionnements répétitifs, l’Interinstitutionnelle suggère : la recherche des mécanismes de rationalisation des rapports entre le pouvoir central et les institutions provinciales et à l’intérieur de ces dernières; la revisitassions (sic) des textes régissant les institutions provinciales pour instaurer des soupapes permettant d’arrêter le désordre, tout en consolidant le jeu démocratique. »[13] L’Interinstitutionnelle ne décrit pas le désordre qu’elle relève et attribue à tort la « confusion politique et des dysfonctionnements répétitifs » aux institutions provinciales.  
À noter qu’au sujet de la répartition des compétences entre le pouvoir central et les provinces, la Constitution a prévu, en ses articles 201-206, des règles suffisamment claires sur les compétences exclusives et les compétences concurrentes. La question pourrait, certes, se poser concernant les secondes compétences. Dans ce cas, il faut que le pouvoir central ait entendu régler exhaustivement une question pour que les provinces doivent renoncer à légiférer sur la même question par respect pour la primauté du droit national (art. 205 al. 5 et 206 Cst). Pour moi, c’est le respect de la répartition constitutionnelle des compétences aussi bien par le pouvoir central que par les provinces qui permet d’éviter toute confusion et tout désordre et, en cas de non respect, la Cour constitutionnelle peut toujours être saisie, en tant que juridiction compétente selon l’article 161 al.3 de la Constitution qui dispose : « Elle (la Cour constitutionnelle) connaît des conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’État et les provinces. »
Contrairement à la prétention de l’Interinstitutionnelle, il n’y a donc rien à rationaliser, mais il est absolument impératif d’appliquer la Constitution en la matière.
Par ailleurs, sous réserve des matières qui relèvent du droit national, le droit provincial doit, à l’intérieur des provinces, régir tous les domaines qui lui ressortissent.
2.5. Le droit au retour des députés et sénateurs appelés à d’autres fonctions
Sur le droit au retour des parlementaires ayant été appelés à d’autres fonctions, le communiqué de presse du 27 mars note : « L’interinstitutionnelle qui a rejeté la possibilité de cumul de fonctions, suggère, pour des raisons évidentes, le retour pur et simple des Députés et Sénateurs dans leurs Chambres respectives, en vue de parachever leur mandat après l’interruption honorable des fonctions auxquelles ils ont été appelés. ».
Sans entrer dans la discussion sur la pertinence de la suggestion, il convient de relever ici le fait que l’Interinstitutionnelle « a rejeté » la possibilité de cumul de fonctions. On pourrait y soupçonner l’expression quasi-explicite d’une certaine compétence d’orientation ou de conditionnement du travail législatif, en affirmant déjà le retour pur et simple des députés et sénateurs dans leurs Chambres respectives après l’interruption des fonctions auxquelles ils ont été appelés. Il en résulterait que pour cette matière le Parlement n’a qu’un rôle de formalisation des « décisions » de l’Interinstitutionnelle. Ce qui pose le problème de la place de cette structure dans l’architecture institutionnelle du Congo-Kinshasa.
2.5. Le système électoral
À propos de la révision du système électorale, l’Interinstitutionnelle a retenu ceci : « Afin d’éviter les dysfonctionnements institutionnels résultant du système proportionnel des listes, et d’assurer la représentativité de la femme dans le cadre de la mise en œuvre du principe de la parité, l’interinstitutionnelle adhère au principe de revisiter le système électoral. »[14]
Il faut tout de suite souligner que l’Interinstitutionnelle s’arrête à une simple allégation générale sans fournir une motivation pouvant permettre d’apprécier le bien-fondé de la réforme qu’elle préconise d’instaurer le système majoritaire[15]. Quant à la mise en œuvre de la parité, elle ne doit pas porter atteinte à l’égalité de chance en matière des droits politiques[16].
On observera par ailleurs qu’en matière électorale, l’Interinstitutionnelle a, lors de sa rencontre de mars 2010, exhorté les deux Chambres du Parlement et le Gouvernement, chacun, dans la limite de ses attributions à finaliser les lois s’y rapportant directement ou indirectement et à fournir à la Commission Electorale Indépendante l’équipement nécessaire pour exercer sa mission. Elle s’érige, peut-être sans s’en rendre compte, en une instance supra-institutionnelle, mais sans fonder sa compétence.
3. La création d’une structure d’accompagnement de la CENI 
À sa réunion du 11 novembre 2010, l’Interinstitutionnelle a estimé qu’ « il convient de renforcer les mécanismes actuels de suivi du processus électoral, par une représentation du Cabinet du Président de la République, de l’Assemblée Nationale, du Sénat et du Cabinet du Premier Ministre »[17]. La création d’une structure d’accompagnement ou de parrainage de la  CENI  porterait atteinte à l’indépendance de cette dernière. En plus, quels sont les moyens dont pourrait disposer cette structure pour renforcer le suivi du processus électoral, lorsque dans la loi sur la CENI on n’a prévu qu’un seul organe, le bureau ? C’est plutôt à ce niveau là qu’il fallait prévoir d’autres organes pour ce renforcement au lieu d’envisager la mise sur pied d’une structure extérieure qui n’aurait finalement aucune raison d’être.
Par ailleurs, pour instituer une pareille structure, il faut qu’une norme constitutionnelle le prévoie. On sait que l’article 222 alinéa 3 de la Constitution attribue au Parlement la compétence d’instituer, le cas échéant, « d’autres institutions d’appui à la démocratie ». Mais il doit s’agir des institutions ayant pour objectif d’appuyer la démocratie et non les institutions existantes. En tout état de cause, le Parlement ne peut créer qu’une  institution qui ne doit pas avoir de tutelle sur la CENI.  
Au vu des matières traitées par l’Interinstitutionnelle, d’une part, et des suggestions, recommandations, propositions et exhortations adressées aux différentes institutions publiques, d’autre part, on a l’impression qu’elle indique à ces institutions les orientations générales sur ce qu’elles doivent entreprendre dans l’exercice de leurs compétences respectives. De plus, l’influence qu’elle peut avoir sur le fonctionnement de différentes institutions pourrait faire penser à une structure supra-institutionnelle. Une telle structure qui, de surcroît, statuerait comme en amont sur des questions qui relèvent des différentes institutions de la République doit avoir un fondement constitutionnel clair.  
Puisque l’initiative de la mise en place de l’Interinstitutionnelle viendrait du Président de la République, il convient d’interroger ses prérogatives constitutionnelles.
II. Les missions du Président selon l’article 69 de la Constitution et la création de l’Interinstitutionnelle
On peut supposer que l’Interinstitutionnelle pourrait avoir été créée sur la base de l’article 69 alinéa 3 de la Constitution qui prévoit pour le Président de la République la prérogative d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions. Cette prérogative fait partie des missions essentielles que lui attribuent ce même alinéa et l’alinéa précédent.
Il faut, tout de suite, relever que l’article 69 de la Constitution congolaise est quasiment une reprise de l’article 5 de la Constitution française[18]. « Quasiment » parce que la norme congolaise ajoute le mot « Institutions » qui ne figure pas dans la norme française[19].
Dans l’interprétation des dispositions de l’article 69 Cst, je m’inspirerai du commentaire de l’article 5 CstFr[20]. L’alinéa premier de l’article 69 Cst définit le Président de la République comme Chef de l’État, en tant qu’il représente la nation et symbolise l’unité nationale. Il incarne, surtout vis-à-vis des tiers, le Pouvoir de l’État et exerce les compétences que lui confère le Constitution, sans se substituer au Peuple qui est la source de tout pouvoir[21]. Ses alinéas 2 et 3 reconnaissent au Président de la République ces missions essentielles : la garde de la Constitution, la garantie par l’arbitrage du fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que de la continuité de l’État et la garantie de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. La dernière mission n’intéresse pas directement mon propos qui se demande sur laquelle des prérogatives présidentielles on pourrait  fonder l’initiative de créer l’Interinstitutionnelle.
1. La garde de la constitution
En disposant que le Président de la République veille au respect de la Constitution, l’article 69 al.2 Cst en fait le gardien de celle-ci. Cette garde s’effectue, d’abord, à travers l’accomplissement de ses prérogatives constitutionnelles dont celles de nommer trois membres de la Cour constitutionnelle (art. 158 al.1 Cst)[22], saisir la Cour constitutionnelle d’un recours en interprétation de la Constitution (art. 161 al.1 Cst), la consulter sur la constitutionnalité d’un traité (art. 216 Cst), la saisir d’un recours visant à faire déclarer une loi à promulguer non-conforme à la Constitution (art. 139 al.1 chiffre 1 Cst) et de la conformité à la Constitution des lois organiques avant leur promulgation (art. 124 ch.3 Cst). Ces prérogatives lui confèrent un rôle actif et efficace, bien qu’indirect, pour sauvegarder la Constitution.
C’est également en tant que gardien de la Constitution que le Président intervient dans la vie institutionnelle : promulguer les lois (art.79 al.1 et 2 Cst), convoquer et présider le Conseil des ministres (art. 79 al.1 Cst) ; nommer le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement et mettre fin à leurs fonctions (art. 78 Cst) ; nommer, relever de leurs fonctions et révoquer les magistrats (art. 82 al.1 Cst). Il doit aussi exercer les pouvoirs que lui confère l’article 85 Cst dans le but d’un retour à l’ordre public constitutionnel ; Enfin, le rôle déterminant accordé au Président dans le processus de révision de la Constitution (art. 89 Cst) contribue au respect de celle-ci. 
En somme, le Président de la République veille au respect de la Constitution en exerçant les compétences que lui confère cette dernière et non en s’octroyant d’autres compétences qu’il aurait créées en vertu de la mission générale de gardien de la Constitution. Ce serait une violation de celle-ci et donc une entorse à sa mission. Il doit donc assurer la garde de la Constitution dans le respect de cette dernière.
2. La garantie par l’arbitrage du fonctionnement régulier des institutions et de la continuité de l’État
La Constitution congolaise, en son article 69 alinéa 3, confère au Président de la République la mission d’assurer « le fonctionnement régulier des services publics et des institutions » ainsi que « la continuité de l’État ». À cet effet, elle met à sa disposition un seul moyen : l’arbitrage. Après en avoir présenté brièvement le développement sémantique en droit constitutionnel français, on se penchera sur les deux buts de l’arbitrage présidentiel dans la Constitution congolaise.
2.1. Le développement sémantique de l’arbitrage en droit constitutionnel français
Le droit constitutionnel français que reprend, mutatis mutandis, le droit congolais, a essayé au fil du temps de préciser le sens du mot « arbitrage ». En effet, la notion d’arbitrage a été beaucoup commentée, car son sens est ambigu. Issue de la pensée gaullienne, elle a progressivement révélé sa véritable portée. 
La référence à l’arbitrage du chef de l’État est traditionnelle dans les régimes parlementaires. Gaston Doumergue l’évoquait en 1924 au moment où il prenait ses fonctions de Président de la République : « nul plus que moi ne demeurera au-dessus des partis pour être entre eux l’arbitre impartial » et Vincent Auriol écrivait dans le Journal du septennat : « Présider, pour moi est évidemment diriger sans décider…c’est arbitrer. » Le rapprochement de ces deux déclarations laisse entrevoir l’ambiguïté de la notion, la seconde traduisant une conception beaucoup plus active du rôle de l’arbitre. Mais, pour les Présidents de la IIIe et de la IVe Républiques l’arbitrage était conçu avant tout comme une magistrature d’influence dont la réussite dépendait de la personnalité du Président. C’était une notion incertaine.  Cette incertitude paraît avoir été voulue, maintenue et entretenue par tout le monde qui y trouvait finalement son compte.  Néanmoins, on a soutenu que l’arbitrage recouvre des réalités très différentes, sans cependant se réduire à la simple autorité morale.
La Ve République a constitutionnalisé l’arbitrage présidentiel en adoptant l’article 5 du texte de 1958. Cette norme constitue le cœur de la fonction présidentielle. Aussi, est-il nécessaire de définir l’esprit dans lequel l’arbitrage doit être exercé et de savoir si sa portée se limite aux attributions qui s’y rattachent directement. En effet, depuis 1958, le débat n’a pas cessé sur le contenu de la notion d’arbitrage. On a pensé à un arbitrage impartial et indépendant entre institutions pour proposer une solution acceptable par toutes. On a également pensé au Président comme un arbitre dont on attend avant tout de la hauteur de vues, du détachement à l’égard de la politique quotidienne, pour lui permettre de résoudre lui-même les conflits en faisant prévaloir l’intérêt national.
L’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel, en 1962, a alimenté davantage la réflexion sur sa mission politique. Certains ont estimé qu’il peut entrer dans le jeu politique et définir les grandes lignes de l’action gouvernementale, alors que d’autres ne lui reconnaissent pas une grande initiative et l’ont cantonné dans des décisions ponctuelles nécessaires au fonctionnement des institutions et à la continuité de l’État. En définitive, c’est l’étendue des pouvoirs présidentiels qui est en cause. Ceux qui s’en tiennent à une version un peu renforcée du Président le maintiennent en dehors du jeu politique et attendent de lui un rôle de régulation, où il rappelle au respect des règles et met parfois en route une procédure lorsque le système se bloque. Les autres veulent en faire un pouvoir actif, statuant souverainement en acteur, au sens plein, de la vie politique. La controverse est sans issue, l’incertitude définitive, situation tout à l’avantage des Présidents[23]. Aussi, la doctrine française est arrivée au constat que l’arbitrage présidentiel peut être neutre ou actif. L’idéal est que la neutralité soit le principe et l’activité l’exception. Néanmoins, tout en représentant le pouvoir de l’État, le Président de la République est le Chef de l’Exécutif et ne peut, de ce fait, être vraiment neutre dans la conduite de la vie politique, sauf en cas de cohabitation[24]. Ainsi donc, il faut retenir que l’arbitrage est neutre en situation de cohabitation et actif lorsque le Président dispose de la majorité parlementaire[25].
2.2. L’arbitrage pour assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions
Pour assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions, le Président de la République peut recourir à l’arbitrage non seulement en cas de dysfonctionnement ou blocage, mais aussi en temps normal. Dans les deux cas, il doit utiliser ses prérogatives constitutionnelles.
2.2.1. En cas de dysfonctionnement institutionnel
Parmi les prérogatives dont il peut être fait usage, on peut citer les attributions suivantes : initier la révision de la Constitution (art. 218 al.1 Cst), prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (art. 148 Cst). Sous réserve de ces compétences propres, l’arbitrage du Président de la République pour assurer « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions » consiste à solliciter les autres pouvoirs, au nom de l’État dont il incarne le Pouvoir[26]. Il peut solliciter, entre autres, le Gouvernement en tant qu’il conduit la politique de la Nation définie en concertation avec lui (art. 91 al.1 et 2 Cst), le Parlement pour une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles (art. 137 al.1 Cst) ou pour une proposition des réformes législatives par message ou par discours (art. 77 Cst), ou le Conseil constitutionnel pour le respect de la Constitution (cf. supra)[27]. Comme on peut le remarquer, l’arbitrage présidentiel pour assurer un fonctionnement régulier ne consiste pas à trancher un quelconque litige entre institutions ou entre pouvoirs publics. Il ne s’agit pas non plus d’une compétence générale, en sus des compétences constitutionnelles ; il s’agit d’un arbitrage de sollicitation et non de substitution, du pouvoir compétent, dans les cas prévus par la Constitution[28].  
2.2.2. En temps normal
Toujours, en utilisant les moyens constitutionnels parmi ceux qui sont énumérés ci-dessus, en temps normal, le Président de la République peut tout au plus, au nom de l’État, conseiller les différentes institutions et non donner des injonctions sous peine de porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Il peut prodiguer des conseils au Gouvernement et, à travers lui, au Pouvoir Judiciaire par le biais du Ministère de la Justice, au moment de la définition concertée de la politique de la Nation (art. 91 al. 1 et 2 Cst) ou lorsqu’il préside le Conseil des ministres art. 79 al. 1 Cst). Au Parlement, les conseils peuvent être donnés par des messages et des discours (art. 77 Cst). Faut-il fonder l’Interinstitutionnelle sur cet arbitrage ?
La réponse ne peut être positive. En effet, lorsqu’on se réfère aux questions traitées au sein de cette structure, on se rend tout de suite compte qu’il ne s’agit pas des conseils que le Chef de l’Exécutif donne aux autres institutions. Il s’agit de discuter sur des matières qui relèvent des différentes institutions et de fixer les orientations générales qui sont recommandées à ces institutions. Par conséquent, on ne pourrait pas fonder l’initiative de créer l’Interinstitutionnelle sur l’arbitrage de conseil[29].
2.3. L’arbitrage pour assurer la continuité de l’État
L’arbitrage est également pour le Président de la République un moyen lui permettant d’assurer la continuité de l’État, en tant que celui qui en incarne le pouvoir. L’idée est que l’État doit continuer de fonctionner, même lorsqu’il est menacé, dans son intégrité ou dans ses services, par des circonstances graves. Pour intervenir, le Président de la République ne doit pas attendre une atteinte ; il suffit qu’une menace grave pèse sur l’intégrité de l’État et le fonctionnement de ses institutions. On est presque dans l’hypothèse de la prévention d’un danger grave et immédiat (par exemple, menace d’un conflit armé, d’une catastrophe naturelle ou d’une démission en masse des ministres de l’opposition majoritaire au Parlement, etc.). Dans ce cas, le contenu de l’arbitrage est précisé par l’article 85 Cst qui relève du souci d’assurer la « continuité de l’État ». Dans le respect des conditions de fond (menaces graves et immédiates sur l’indépendance ou l’intégrité du territoire national, ou interruption du fonctionnement régulier des institutions[30]) et de procédure (concertation conformément aux articles 144 et 145 Cst avec le Premier ministre et les Présidents des deux Chambres), l’arbitrage du Président de la République aux fins d’assurer la continuité de l’État consiste exclusivement dans la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège[31]. Une loi devra déterminer les modalités d’application de l’état d’urgence et de l’état de siège. Comme on peut l’observer, il s’agit pour le Président de la République des pouvoirs exceptionnels, mieux des véritables pouvoirs de crise[32].

Il ressort de cette étude que la compétence constitutionnelle de veiller au respect de la Constitution et d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions ne confère pas au Président de la République une autre prérogative de se créer la prérogative de se substituer aux autres pouvoirs ou de créer des institutions sans mandat constitutionnel clair. Pareille compétence ne peut être exercée que sur la base d’une norme constitutionnelle. En outre, l’Interinstitutionnelle ne peut être qu’une structure créée par la Constitution.
Cette double exigence n’est pas réalisée en l’espèce. L’Interinstitutionnelle n’est donc fondée sur aucune des missions essentielles que la Constitution confère au Président de la République. Elle ne constitue pas non plus une modalité d’arbitrage prévue par la Constitution. Par conséquent, elle est une structure sans base juridique, un « non-être juridique ». Pour lui donner une « juridicité », il faut un fondement constitutionnel ou une base légale expresse sur habilitation constitutionnelle. Pour cela, la nécessité s’impose d’une révision constitutionnelle. Sans cette révision et ou en l’attendant, l’Interinstitutionnelle ne devrait plus exister. Son maintien ne peut être que paraconstitutionnel.
Professeur Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE
Dr iur


[1] Lire sur : http://www.digitalcongo.net/article/65729#
[3] Ainsi ont déjà été invités le Ministre des Finances, le Président de la Commission électorale indépendante, le Commissaire Général et le Coordonnateur du Comité Scientifique du Cinquantenaire.
[4] En effet, la première réunion des 20 et 27 mars 2010 prévoyait les points suivants à l’ordre du jour : les échéances électorales 2011 ; la situation sécuritaire ; le mandat de la MONUC ; la révision de la Constitution et de la loi électorale ; le Cinquantenaire de l’indépendance. Celle du 11 novembre prévoyait cet ordre du jour : la situation sécuritaire du pays; l’État de territoire; l’État des lieux du processus électoral; les activités parlementaires; le rapport du projet Mapping sur les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en Rdc entre 1993 et 2003; la problématique des taxes provinciales renvoyée à une réunion entre le Pouvoir central et les provinces.
[5] À propos de la révision de la Constitution, l’Interinstitutionnelle s’est appropriée le rapport de la Commission interinstitutionnelle ad hoc relative à l’évaluation de la mise en œuvre de la Constitution du 18 février 2006. Cette Commission, instituée consécutivement à la décision prise par le Chef de l’État aux termes de sa concertation, en date du 15 juillet 2009, avec les animateurs des autres institutions, était composée des Experts représentant le Président, de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, le Premier Ministre, le Premier Président de la Cour Suprême de Justice, ainsi que le Cabinet du Président de la République. Ces experts ont trouvé « la nécessité de modifier certaines dispositions de la Constitution et de la loi électorale, en vue d’opérer un recentrage autour de certains impératifs majeurs, notamment : le mandat du Président de la République ; le découpage territorial ; la question des recettes à caractère national alloués aux Provinces ; la question de la nationalité ; l’indépendance du pouvoir judiciaire ; le Conseil Supérieur de la Magistrature ; le fonctionnement des Institutions provinciales ; le droit au retour des Députés et Sénateurs appelés à d’autres fonctions ; le système électoral ; les immunités ; le régime politique ; l’extension de la compétence des juridictions militaires. » Le communiqué de presse révèle que « l’Interinstitutionnelle a renvoyé certaines de ces questions à une réflexion approfondie et s’est clairement prononcée sur d’autres » (Communiqué de presse du 27 mars 2010 sous « Concernant la révision de la Constitution et de la loi électorale »).
[6] Communiqué de presse du 27 mars 2010 sous « Concernant la révision de la Constitution et de la loi électorale ».
[7] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « Du découpage territorial ».
[8] Sur la notion de paraconstitutionnalité, lire Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, « La décision n°30/CEI/BUR/10 du 09 août 2010 portant publication du calendrier du processus électoral 2010-2013 en RDC et la ‘paraconstitutionnalité’ au Congo-Kinshasa », Septembre 2010, in : http:// www.droitcongolais.info, sous Études et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[9] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « De la question des recettes à caractère national alloués aux Provinces ».
[10] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « De l’indépendance du pouvoir judiciaire ».
[11] Simon-Louis FORMERY, La constitution commentée article par article, 13e éd., Hachette, Paris 2010-2011, ad art. 65, p. 134 ; Pierre PACTET / Ferdinand MÉLIN-SOURAMANIEN, Droit constitutionnel, 27e éd. Sirey, Paris 2008, p. 522-524.
[12] À noter qu’en vertu de l’article 65 CstFr, le CSM comprend deux formations : une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet (al.1). La première est présidée par le premier président de la Cour de cassation (al.2) et la seconde par le procureur général près la Cour de cassation (al.3)
[13] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « Du fonctionnement des Institutions provinciales ».
[14] Communiqué de presse du 27 mars 2010, sous « Du système électoral ».
[15] Le système majoritaire permet l’élection des candidats représentant la tendance majoritaire au sein du corps électoral, afin que leur parti dispose d’une majorité au parlement et de pouvoir former un gouvernement stable. Le système proportionnel a pour but la transposition proportionnelle des suffrages en mandats, afin que la composition du parlement reflète aussi fidèlement que possible les rapports de force entre les divers partis. Le premier système est en faveur de la majorité et exclut du pouvoir tous les partis minoritaires, tandis que le second leur fait participer au pouvoir leur permettant ainsi de présenter leurs opinions sur le fonctionnement de la res publica (Sur les détails concernant ces deux systèmes, voir : Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Vol. I : L’État, 2e éd., Stämpfli, Berne 2006, p. 218-228). À noter qu’il est certes vrai que le système majoritaire accorde au pouvoir une grande marge de manœuvre pour la mise en œuvre de sa politique. Toutefois, il n’est peut-être pas encore judicieux de l’instaurer dans un État caractérisé par des velléités d’autoritarisme et d’autocratie.
[16] Cf. Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, « L’ ‘infra-constitutionalité’ matérielle du principe de la parité homme-femme en droit congolais, Février 2010 », in : http:// www.droitcongolais.info, sous Études et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[17] Cf. Compte rendu du 11 novembre 2010, chiffre 4 sous point III consacré à l’état des lieux du processus électoral.
[18] L’article 5 de la Constitution française a cette teneur : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Cette norme française a une histoire et a été l’objet de plusieurs interprétations qui doivent inspirer les juristes congolais dans la recherche du sens à donner à l’article 69 de la Constitution. Dans la Constitution française, le Président est présenté juste après la souveraineté et occupe ainsi la première place au nombre des institutions comme leur clé de voûte.
[19] À noter que la frontière entre pouvoir public et institution en droit constitutionnel est très ténue, car leurs référents ont des relations si pas d’équivalence, mais au moins d’inclusion (voir : article 68 Cst et normes définissant différents pouvoirs et institutions).
[20] Dans la suite, après un article ou des articles, Cst désigne la Constitution congolaise et CstFr la Constitution française.
[21] Sur le titre de Chef de l’État, lire Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE : « Le danger de l’expression Chef de l’État pour le principe de la séparation des pouvoirs en République démocratique du Congo», in : http:// www.droitcongolais.info, sous Études et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[22] Il faut relever ici qu’en France le Président du Conseil constitutionnel est nommé discrétionnairement par le Président de la République (art. 56 al. 3 CstFr), tandis qu’au Congo celui de la Cour constitutionnelle doit être élu par ses pairs (art. 158 al.5 Cst). Ce qui constitue une avancée significative par rapport à la France.
[23] On a noté que les différents Présidents ne se sont guère intéressés à la querelle sémantique sur l’arbitrage. Tous se sont plu à se proclamer arbitre lorsqu’il fallait rassurer sur leurs intentions, faire accepter des décisions difficiles, assumer le personnage de Président de tous les Français. Mais ce n’est pas par rapport à l’arbitrage qu’ils se sont le plus souvent attachés à définir la fonction Présidentielle et le rôle vers lequel va leur faveur. Ils ont préféré se qualifier de « guide » (de Gaulle), de « premier responsable national » (Georges Pompidou, François Mitterrand), d’animateur « de la politique d’ensemble » (Giscard d’Estaing), formules qui, avec d’autres analogues, soulignent sans équivoque la part prise par le Président dans la définition et la conduite des affaires de la nation et qui, toutes, dépassent de beaucoup le contenu de l’arbitrage – même dans sa conception la plus extensive, le Président est le maître de la politique gouvernementale (Olivier DUMAHEL / Yves MÉNY, Dictionnaire constitutionnel, PUF, Paris 1992, verbo « Arbitrage »).
[24] En période de cohabitation, le Président de la République est « en fait l’homme des périodes de crise bien davantage que l’exercice continu du pouvoir » (PACTET / MÉLIN-SOURAMANIEN, p. 363).
[25] À noter que l’arbitrage du Président de la République est à distinguer de celui du Premier ministre. Celui-ci est régulièrement, en tant que chef du gouvernement, appelé à rendre des arbitrages, c’est-à-dire à trancher des différends qui peuvent exister sur une décision entre les ministres.  
[26] Voir : PACTET / MÉLIN-SOURAMANIEN, p. 362. Une liste exhaustive des compétences du Président de la République, reprise de la Constitution, est dressée dans l’ouvrage de Félix VUNDUAWE te PEMAKO, Traité administratif, Larcier, Belgique 2007, p. 120-122.
[27] À noter que, dans un arrêt du 10 octobre 2001 rendu sur le statut pénal du Chef de l’État (voir art.68 Cst Fr), la Cour de cassation française se fonde implicitement sur l’article 5 CstFr pour justifier l’immunité pénale dont bénéficie le Président ; elle estime ainsi « qu’étant élu directement par le peuple pour assurer, notamment, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État, le Président de la République ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté, ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ».
[28] Cette vision est celle donnée par Michel Debré : « Le Président de la République n’a pas d’autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir, (…) mais cette possibilité de solliciter est fondamentale » (discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958).
[29] À noter que l’idée d’arbitrage de conseil remonte à Charles de Gaulle qui, en 1946 à Bayeux, évoquait déjà « un arbitrage national » limité à un rôle de « conseil » en temps normal (Voir : Olivier DUMAHEL / Yves MÉNY, verbo « Arbitrage ».
[30] En 1961, le Conseil constitutionnel avait estimé que la rébellion militaire menaçait les institutions et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics était interrompu lorsqu’étaient détenus par les putschistes en Algérie un membre du gouvernement (Robert Buron, ministre des Travaux publics) et les principales autorités civiles et militaires (Voir : Simon-Louis FORMERY, ad art.16 CstFr, p. 51).
[31] Les articles 144 et 145 Cst constituent des grades-fou à l’exercice de cette prérogative exceptionnelle du Président de la République. Voici la teneur de ces deux normes constitutionnelles : Art. 144 : « En application des dispositions de l’article 85 de la présente Constitution, l’état de siège, comme l’état d’urgence, est déclaré par le Président de la République.
L’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent alors de plein droit. S’ils ne sont pas en session, une session extraordinaire est convoquée à cet effet conformément à l’article 116 de la présente Constitution. La clôture des sessions ordinaires ou extraordinaires est de droit retardée pour permettre, le cas échéant, l’application des dispositions de l’alinéa précédent. L’état d’urgence ou l’état de siège peut être proclamé sur tout ou partie du territoire de la République pour une durée de trente jours. L’ordonnance proclamant l’état d’urgence ou l’état de siège cesse de plein droit de produire ses effets après l’expiration du délai prévu à l’alinéa trois du présent article, à moins que l’Assemblée nationale et le Sénat, saisis par le Président de la République sur décision du Conseil des ministres, n’en aient autorisé la prorogation pour des périodes successives de quinze jours. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent, par une loi, mettre fin à tout moment à l’état d’urgence ou à l’état de siège. »
Article 145 : « En cas d’état d’urgence ou d’état de siège, le Président de la République prend, par ordonnances délibérées en Conseil des ministres, les mesures nécessaires pour faire face à la situation. Ces ordonnances sont, dès leur signature, soumises à la Cour constitutionnelle qui, toutes affaires cessantes, déclare si elles dérogent ou non à la présente Constitution. »
[32] Dans ce sens : Simon-Louis FORMERY, ad art.16 CstFr, p. 50 ss ; André LEGRAND / Céline WIENER, Le droit public. Droit constitutionnel, Droit administratif, Finances publiques, Institutions européennes, Nouvelle édition revue et augmentée, La documentation française, 2009, p. 32.

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