L’INDÉPENDANCE DU
POUVOIR JUDICIAIRE À L’ÉGARD DU POUVOIR EXÉCUTIF AU CONGO-KINSHASA
Introduction
Au cours
d’un point de presse du 29 août 2008[1], le Ministre
congolais de la Justice et des droits humains du Gouvernement Gizenga II a fait
un constat amer sur le fonctionnement du Pouvoir judiciaire congolais. Pour
lui, « des magistrats rendent des jugements iniques et se compromettent
dans les corruptions ». Et d’ajouter : « On ne peut pas refuser
d'appliquer la loi parce qu'on est mal payé. Tout magistrat qui se compromet
dans un jugement doit trouver mieux ailleurs ». Et de surenchérir : «
Le droit n'est pas dit comme il doit l'être. Chacun fait ce qu'il veut. Quand
vous dites, je ne suis pas bien payé, donc je n'applique pas le droit. Meilleur
conseil, c'est de trouver mieux ailleurs ». Le Ministre de la Justice avait
promis « des sanctions contre les magistrats qui ne disent pas le droit
comme il se doit ».
De
tous ces propos, on peut retenir deux choses : la première est la gangrène
qui frappe le Pouvoir judiciaire du Congo dont les magistrats sont mal payés et
n’accomplissent pas leur fonction juridictionnelle, mais se livrent à des
pratiques de corruption. La seconde est la promesse de sanctions par le Ministre,
membre du Pouvoir exécutif, contre les magistrats, membres du Pouvoir judiciaire.
Dès lors, deux questions étroitement liées peuvent se poser. Elles sont relatives
à l’effectivité de l’indépendance des
magistrats et à celle de l’impartialité des juges. L’étude de cette double
question passe d’abord par l’examen du lien organique existant entre le ministère
de la Justice et le Pouvoir judiciaire (1). Elle sera suivie par la recherche
de quelques moyens à utiliser pour conquérir l’effectivité de l’indépendance (2)
et de l’impartialité (3) du Pouvoir judiciaire.
1. Le ministère
de la Justice et le Pouvoir judiciaire
Le
ministère de la Justice est l’administration centrale chargée de la gestion du
service public de la Justice. Il est placé sous l'autorité du Ministre de la Justice,
qui peut également porter le titre de garde des Sceaux, appellation qui, en
France, remonte à l'Ancien Régime. Il n'exerce aucune fonction
juridictionnelle. Il n'est pas un juge mais un administrateur. Sous ce titre,
on rappellera les attributions du Ministre de la Justice
(1.2) éclairées en amont par l’origine de cette fonction (1.1). Ensuite, sera appréciée
la constitutionnalité de ces attributions (1.3).
1.1. L’origine du ministère de la Justice
Le ministère
de la Justice est né sous la Révolution française. Il prit la succession de la
Chancellerie qui existait sous l'Ancien Régime et qui a été supprimée le 27
novembre 1790. Le Chancelier, premier des grands officiers de la couronne,
présidait le Parlement, les cours souveraines et le Conseil du roi. Il était
ainsi au-dessus des juridictions, mais comme le représentant du roi. Mais déjà le 21
novembre 1790, Louis XVI avait nommé Dupont-Dutertre « Ministre de la
Justice, Garde des Sceaux de l'Etat ». Le Décret du 25 avril - 25 mai 1791 sur l'organisation du
ministère définit ainsi ses compétences :
-garder le sceau de l'Etat ;
-sceller
les lois, traités, patentes, provisions d'office, commissions et diplômes du
gouvernement ;
-exécuter
les lois relatives à la sanction des décrets du corps législatif, à la
promulgation et à l'expédition des lois;
-assurer
la correspondance avec les tribunaux et les commissaires du Roi ;
-assurer
la surveillance des juges ;
-soumettre
au corps législatif les questions relatives à l'ordre judiciaire et qui
nécessitent l'interprétation de la loi ;
-transmettre
au Commissaire du Roi près le tribunal de Cassation les pièces et mémoires qui
lui sont adressés, avec ses observations ;
-fournir un compte-rendu annuel à la législature sur le fonctionnement
de la Justice.
Très
rapidement, le ministère s’est constitué autour de deux pivots : la division
civile et la division criminelle qui prirent
le titre de « direction » sous la Restauration. C’est l’ordonnance du 31 octobre 1830 qui a intégré
au ministère de la Justice l'administration du Sceau -jusqu'alors assurée par
la Commission du Sceau – en créant une division du Sceau au sein de la
direction des affaires civiles. Autour de ces divisions fonctionnent un
secrétariat général, un secrétariat particulier, des bureaux assurant les
fonctions relatives au personnel et à la comptabilité, fonctions qui ne
fusionneront que le 9 juin 1909 avec la création de la direction du personnel
et de la comptabilité. Avec le Second Empire, apparaît le Casier
judiciaire central : la circulaire du 6 novembre 1850 établit un
Casier judiciaire au tribunal civil de chaque arrondissement tandis que la
circulaire du 30 août 1856 établit un casier judiciaire central au ministère
pour les condamnés d'origine étrangère ou ceux dont le lieu de naissance est
inconnu[2].
On
retiendra qu’à l’origine, le Ministre de la Justice était le mandataire du roi
sur des questions relatives à la Justice. Comme celle-ci était rendue au nom du
roi, le ministre qui l’avait en charge était également une autorité de
surveillance des juges et assurait la présidence des juridictions. Il était un
véritable membre du personnel judiciaire.
Ces
compétences originaires exercées au nom de la couronne, qui concentrait tous
les pouvoirs en ses mains, gardent encore leurs traces dans les attributions
actuelles du ministère congolais de la Justice[3].
1.2. Les attributions du ministère de la Justice
Les attributions
du ministère de la Justice au Congo sont définies dans l’ordonnance présidentielle
n° 07/018 du 16 mai 2007 fixant les
attributions des Ministres[4].
À son article premier, let. B, ch. 9, cette ordonnance reconnaît au ministère
de la Justice, entre autres attributions, l’administration de la Justice. Par
administration de la justice, l’ordonnance entend :
-l’exercice du pouvoir
réglementaire ;
-le contrôle des activités
judiciaires ;
-la surveillance générale
sur le personnel judiciaire ;
-la garde des sceaux et le suivi des réformes institutionnelles.
La
compétence d’administrer la justice place le Ministre de la Justice, membre du
Pouvoir exécutif au-dessus du Pouvoir judiciaire, comme si celui-ci était une
parcelle de celui-là. Elle fait du Ministre de la Justice l’autorité de
surveillance et de contrôle du Pouvoir judiciaire, en violation du principe de
l’indépendance de la Justice[5].
Certes, la séparation des pouvoirs veut que le pouvoir limite le pouvoir par le
biais d’un contrôle mutuel. Mais, c’est un contrôle visant l’équilibre des pouvoirs
et non une immixtion d’un pouvoir dans l’activité essentielle de l’autre[6].
C’est dans cette perspective que les actes de gouvernement, par exemple,
échappe au contrôle juridictionnel au contraire des actes administratifs[7]. Pourquoi en serait-il autrement de la juridiction
(fonction de dire le droit) qui est l’activité essentielle du Pouvoir
judiciaire ? De toutes les façons, subordonner le Judiciaire à l’Exécutif
est une entorse à la Constitution.
1.3. La constitutionnalité
des attributions du ministère de la Justice au Congo
Pour
être conformes à la constitution, les attributions du ministère de la Justice
devraient être réduites à l’exercice du Pouvoir exécutif. On combinerait ainsi
harmonieusement les deux conceptions de la séparation des pouvoirs, à savoir
l’indépendance et la spécialisation des pouvoirs[8].
Cette combinaison peut découler de l’interprétation systématique de la
Constitution congolaise qui, tout en affirmant l’indépendance du Pouvoir
judiciaire à l’égard de deux autres, reconnaît en principe à ce seul pouvoir la
fonction juridictionnelle : la juridiction judiciaire, la juridiction
administrative, la juridiction militaire, la Cour constitutionnelle ainsi que
les parquets rattachés à ces juridictions font partie du Pouvoir judiciaire (art.
149).
Le
ministère de la Justice appartient au Pouvoir exécutif qui est différent du
pouvoir judiciaire et dont ce dernier est indépendant. En outre, il existe un Conseil
supérieur de la magistrature qui est l’autorité de surveillance du Pouvoir judiciaire
et dont aucun des membres n’appartient constitutionnellement au Pouvoir
exécutif. Ce qui est une avancée significative par rapport à la France, par
exemple, dans la concrétisation de la séparation des pouvoirs. En France, le
Président de la République est le garant de l’indépendance de la Justice et
président du Conseil supérieur de la magistrature, et le Ministre de la Justice
vice-président[9]. Cela
constitue, à notre avis, une entorse à la séparation des pouvoirs entendue à la
française comme une indépendance des pouvoirs. Néanmoins, la France prévoit
tout de même un rectificatif dans la mesure où, en dehors du Conseil supérieur
de la magistrature, ni le Président de la République, ni le Ministre de la Justice
n’ont d’injonctions à donner aux magistrats. Le Ministre de la Justice, puisque
c’est de lui qu’il s’agit ici, offre aux magistrats des moyens nécessaires à
l’exercice de leurs fonctions, qu’ils exercent en toute indépendance, et veille
à l’exécution des décisions judiciaires. Au Congo, en revanche, une ordonnance
présidentielle, donc émanant d’une autorité investie du Pouvoir exécutif
prévoit que le Ministre de la Justice s’occupe de l’administration de la
justice, en contrôlant entre autres les activités judiciaires et en assurant
une surveillance générale sur le personnel judiciaire. C’est en vertu de cette
attribution, qui le place au-dessus du Pouvoir judiciaire, que le Ministre de
la Justice du gouvernement Gizenga II aurait promis des sanctions à l’endroit
des magistrats. Il ne peut s’agir que des sanctions disciplinaires pour
lesquelles est seul compétent le Conseil supérieur de la magistrature. Le ministère
de la Justice n’est pas organiquement une autorité hiérarchique du Pouvoir
judiciaire. Il exerce une portion du Pouvoir exécutif dans le domaine
judiciaire. Il ne peut donc pas se substituer au Conseil supérieur de la
magistrature.
Dès
lors, les magistrats qui sont concernés au premier chef pourraient attaquer
pour inconstitutionnalité auprès de la juridiction compétente l’ordonnance présidentielle
attribuant au ministère de la Justice une compétence appartenant au Conseil
supérieur de la magistrature. Il y va de la sauvegarde de l’indépendance du Pouvoir
judiciaire, lequel doit travailler à l’avènement d’un État de droit au
Congo-Kinshasa, en faisant respecter le droit par tout le monde, surtout par les
membres de l’Exécutif. L’arrêt qui sera rendu pourrait faire jurisprudence et
conférer une petite dose de crédibilité à la Justice congolaise politisée et
molle.
Conformément
au principe constitutionnel congolais de l’indépendance du Pouvoir judiciaire,
nous pensons que le rôle du Ministre de la Justice à l’égard de ce pouvoir
consisterait à :
-fournir
aux magistrats des moyens nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions :
un budget suffisant pour le fonctionnement de la Justice dont le montant sera
formellement fixé dans la loi sur le budget, du matériel informatique qui
permette de publier les sentences.
-assurer l’exécution des décisions judiciaires ;
-s’occuper
des prisons et d’autres centres pénitentiaires, en améliorant notamment les
conditions de vie des détenus ;
-obtenir
que les services des renseignements ne se muent pas en juges et en exécutants
des peines qu’ils auraient eux-mêmes infligés aux présumés coupables
d’ « atteinte à la sécurité de l’État ».
Comme
on peut le remarquer, l’indépendance du Pouvoir judiciaire garantie
constitutionnellement n’est pas effectivement assurée au Congo-Kinshasa. Elle
est plutôt à conquérir, ainsi qu’il en ressortira ci-dessous.
2. Pour une indépendance effective
du Pouvoir judiciaire
L’absence
d’indépendance effective du Pouvoir judiciaire au Congo (2.1) s’oppose au
principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs (2.2) dont le contenu
est suffisamment clair (2.3).
2.1. Le constat amer de la
dépendance de la Justice au Congo
Au
Congo-Kinshasa on assiste à des interférences des autorités politiques et
militaires sur la fonction de dire le droit avec pour effets : une sorte
de déni de justice formel, des jugements iniques et arbitraires… Il suffit,
pour s’en rendre compte, de se reporter sur le rapport d’un expert onusien dont
voici la teneur :
« L’article
151 de la Constitution prescrit que le Pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au magistrat dans l’exercice de sa juridiction, ni
entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution
d’une décision de justice. Cette disposition n’est pas mise en œuvre: le pouvoir exécutif continue de donner des injonctions aux juges et
s’oppose à l’exécution de certaines décisions de justice.
Des magistrats, notamment militaires, ont indiqué avoir été informés par leur hiérarchie qu’ils devaient prendre une certaine
décision pour pouvoir aspirer à une promotion. Dans
plusieurs procès pour crimes graves… des magistrats ayant entamé des actions ou
pris des décisions défavorables à un membre du commandement militaire ont été
déplacés et que, suite à ce déplacement, les décisions adoptées par leur
successeur ont abouti à l’acquittement de l’accusé. Dans de nombreux cas, le
commandement militaire ne remet pas aux magistrats les militaires inculpés,
afin qu’ils puissent être interrogés ou arrêtés. La même chose se passe au
niveau de la police: l’inspectorat ne remet pas les policiers inculpés, en
expliquant parfois qu’ils sont « appuyés par la capitale », même quand il
s’agit de faits graves, tels que des viols. Les magistrats décrivent une
situation intenable dans laquelle il est souvent impossible de travailler. Le
pouvoir que l’Exécutif continue d’avoir sur le transfert et la promotion des
juges, en violation des dispositions de la Constitution qui attribue ces
fonctions au Conseil supérieur de la magistrature, reste l’une des causes
principales du manque d’indépendance du Pouvoir judiciaire et donc de la
persistance de l’impunité dans le pays. »[10]
En
changeant ce qui doit l’être, ce rapport accablant qui concerne surtout la
justice militaire vaut également pour la justice civile et se passe de tout
commentaire. Il est une véritable photographie du fonctionnement de la Justice
au Congo dans ce qu’elle a de visible. Mais en coulisse, il y aurait pire. Il
suffit de discuter avec les magistrats et les avocats de cette partie de
l’Afrique centrale pour se laisser emparer par le découragement d’y pratiquer
le droit. Le téléphone constitue un moyen très efficace de pression sur les
magistrats qui sont obligés de rendre des décisions illégales et contraires à
leur intime conviction, soit pour sauvegarder leur vie et celle de leur
famille, soit pour se maintenir au poste, soit pour recevoir une promotion. Les
magistrats exercent à leur tour des pressions sur les avocats afin qu’ils leur
offrent des avantages matériels, et les avocats se rabattent sur leurs clients
en des termes similaires : « il faut donner une somme conséquente au
juge afin que votre affaire soit tranchée ». À la clé, c’est l’avocat le
plus offrant qui gagne le procès et non celui qui a le mieux plaidé. Ainsi
donc, la vérité judiciaire est mercantilisée au Congo. Effectivement, le
Pouvoir n’y est pas indépendant de la Justice.
2.2. La base constitutionnelle
du principe d’indépendance de la Justice
La
base constitutionnelle de l’indépendance du Pouvoir judiciaire au
Congo-Kinshasa est l’article 149 de la constitution du 18 février 2006. Cette
norme dispose que « le Pouvoir judiciaire est indépendant du Pouvoir
législatif et du Pouvoir exécutif. » Elle précise que ce pouvoir « est
dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de
cassation, le Conseil d’État, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux
civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions. »
Et pour enfoncer le clou, la norme ajoute que « la justice est rendue sur
l’ensemble du territoire national au nom du peuple. »
Cette
disposition constitutionnelle est on ne peut plus claire. Elle affirme sans
équivoque l’indépendance du Pouvoir judiciaire vis-à-vis des Pouvoirs
législatif et exécutif, elle nomme les autorités chargées d’exercer ce pouvoir
et le souverain au nom de qui il est exercé. En conséquence, l’unique instance
au dessus du Pouvoir judiciaire est le peuple et non pas un membre d’un autre
pouvoir.
2.3. Le contenu de
l’indépendance de la Justice
De
manière générale, le principe d’indépendance signifie que l’institution
(l’autorité judiciaire), la personne (le magistrat) et l’activité essentielle (la
juridiction) doivent être à l’abri d’ingérences internes et externes, quelles
qu’en soient leur origine et leur nature. Son contenu est constitué notamment
des éléments suivants : l’inamovibilité des magistrats (2.3.1), l’autonomie
dans la désignation et la révocation des magistrats (2.3.2), la détermination
autonome du budget de la Justice et de la rémunération des magistrats (2.3.3)
et un contrôle disciplinaire autonome (2.3.4).
2.3.1. Le principe d’inamovibilité des
magistrats
En
droit congolais le principe d’inamovibilité des magistrats est défini par la loi
organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats à l’article
14 qui prévoit :
« Le juge est inamovible. Il ne peut
être déplacé que sur sa demande dûment motivée et acceptée ou suite à une
promotion ou encore pour des raisons liées à ses fonctions dûment constatées
par sa hiérarchie qui en saisit le Conseil supérieur de la magistrature. »
Cette
norme donne à ce principe un sens très
restreint relatif uniquement au déplacement des magistrats. Le principe d’inamovibilité
des magistrats doit être plutôt compris en ce sens que le juge ne peut faire
l’objet d’une mesure individuelle quelconque prise à son encontre par le
Gouvernement (révocation, suspension, déplacement, mise à la retraite prématurée),
en dehors des conditions et cas prévus par la loi. Il ne peut pas être muté
géographiquement, même en avancement, sans son consentement.
2.3.2. Une autonomie dans la
désignation et la révocation des magistrats
D’après l’article 82 de la Constitution
congolaise, « le
Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant,
révoque, par ordonnance, les magistrats du siège et du parquet sur proposition
du Conseil supérieur de la magistrature. »
Ces prérogatives
constitutionnelles reconnues au Président de la République et reprises par la
loi portant statut des magistrats[11]
paraissent aller à l’encontre du principe d’indépendance de la Justice. En
effet, on comprendrait encore s’il s’agissait d’une simple formalisation de désignation,
de promotion et de révocation opérée matériellement par le Conseil supérieur de
la magistrature. Mais ici, ce conseil ne fait que
proposer ; le véritable pouvoir de nomination, de promotion et de
révocation est reconnu au chef de l’Exécutif, le plaçant ainsi au-dessus des
membres d’un pouvoir constitutionnellement séparé, différent et indépendant de
celui auquel il appartient.
On
peut dès lors se poser la question d’effectivité de l’indépendance du Pouvoir
judiciaire à l’égard du Pouvoir exécutif au Congo-Kinshasa. Comment un magistrat
nommé par un membre de l’Exécutif et dont dépend la survie de la fonction, peut-il
statuer en toute indépendance sur une cause impliquant celui-ci, de près ou de
loin, d’autant plus qu’il est de surcroît commandant suprême des forces armées
congolaises (art. 83 Cst) ? Et l’on sait à quoi l’armée est le plus
souvent utilisée au Congo. En tous cas, pas toujours pour défendre le peuple
congolais ni l’intégrité territoriale du Congo.
De plus,
l’article 13 de la loi portant statut des magistrats adoptée après l’entrée en
vigueur de la constitution prévoie la prestation de serment devant le Président
de la République des magistrats nommés ou désignés à la Cour de cassation, au
Conseil d’État et aux parquets généraux près ces juridictions. Cela pourrait
encore se comprendre, même si c’est toujours discutable[12],
pour les magistrats des parquets qui sont essentiellement les avocats de la
République et de la loi. Mais c’est juridiquement inadmissible pour les juges
qui exercent leur fonction juridictionnelle au nom du peuple congolais et non à
celui du Président de la République. La logique systémique de la Constitution
congolaise aurait voulu que cette prestation de serment se fasse devant l’Assemblée
nationale regroupant les députés qui sont les représentants du peuple
congolais.
Sur
ce point précis, l’indépendance de la Justice reste à conquérir et il est
urgent de concevoir une initiative visant la révision de la Constitution sur ce
point précis.
2.3.3. Une détermination
autonome du budget de la Justice et de la rémunération des magistrats
Le Conseil supérieur de
la magistrature du Congo constitué des seuls magistrats
(art. 152 Cst) devrait exercer ses prérogatives constitutionnelles pour voter un
budget conséquent pour le Pouvoir judiciaire, afin d’octroyer aux magistrats un
salaire digne et décent, d’autant plus que la Constitution ne prévoit pas une
quelconque censure par l’Exécutif. En effet, à teneur de l’art. 149, al. 7 Cst,
« le Pouvoir judiciaire dispose d’un budget élaboré par le Conseil
supérieur de la magistrature et transmis au Gouvernement pour être inscrit dans
le budget général de l’État. Le Premier Président de la Cour de cassation en
est l’ordonnateur. Il est assisté par le Secrétariat permanent du Conseil
supérieur de la magistrature. » La loi sur le Conseil supérieur de la
magistrature reprend, à sa manière, cette disposition
constitutionnelle lorsqu’elle dit, à son article 2 al. 8, que le Conseil supérieur de
la magistrature élabore le budget du pouvoir judiciaire,
puis, à son article 37, que le Pouvoir judiciaire dispose d’un budget propre
géré par le Conseil
supérieur de la magistrature. Pour sa part, la Loi sur le
statut des magistrats affirme, à son article 25, que les magistrats bénéficient d’une
rémunération suffisante à même de conforter leur indépendance.
En clair, l’autonomie
budgétaire reconnue au Conseil supérieur de la magistrature doit conduire
celui-ci à fixer un salaire décent pour les magistrats, afin de leur garantir
une indépendance financière sans laquelle l’indépendance de la Justice n’est
qu’un slogan juridique vide. C’est par l’adoption d’un budget qui offre aux
magistrats la garantie matérielle à même de leur offrir un cadre de travail
viable et une vie non inférieure à celle de leurs équipollents membres du
Pouvoir exécutif que le Conseil supérieur de la magistrature pourra contribuer
à l’effectivité de l’indépendance de la Justice. Lorsque cette garantie aura
été assurée aux magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature devra être
strict dans l’appréciation du travail rendu par les magistrats, en sanctionnant
sévèrement leurs fautes disciplinaires.
2.3.4. Un contrôle disciplinaire
autonome
D’après
l’article 20 de la Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation
et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, celui-ci est la
juridiction disciplinaire des magistrats[13].
L’article 21 de la même loi précise que le pouvoir disciplinaire du Conseil
supérieur de la magistrature est en fait exercé par la Chambre nationale et les
Chambres provinciales de discipline. Les articles 22 et suivants définissent
les compétences de ces chambres. L’article 47 dresse la liste non exhaustive
des fautes disciplinaires et l’article 48 énumère exhaustivement les peines qui
peuvent frapper un magistrat fautif : le blâme, la retenue d’un tiers du
traitement d’un mois ; la suspension de trois mois au maximum avec privation de
traitement et la révocation. À noter que, d’après l’article 49, le blâme, la
retenue du traitement et la suspension sont prononcés par le Conseil supérieur
de la magistrature et la révocation par le Président de la République sur
proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
Il
faut, néanmoins, relever que les différentes fautes ne
sont pas assorties des peines correspondantes, laissant ainsi à la chambre de discipline du Conseil supérieur de
la magistrature une grande discrétion dans
l’appréciation des cas et dans la détermination de la sanction à infliger au
magistrat en faute. Ce vaste pouvoir discrétionnaire est une porte ouverte à
l’arbitraire et à la corruption. Dans l’état actuel de la Justice congolaise,
les lois à adopter doivent être les plus précises possibles pour faire du
magistrat la bouche de la loi et non son interprète. Le juge n’aura pour
mission que d’appliquer la loi et non de l’interpréter pour lui faire dire ce
qu’elle ne prévoit pas.
L’effectivité
de l’indépendance du Pouvoir judiciaire vis-à-vis du Pouvoir exécutif est loin
d’être assurée au Congo. Elle reste une conquête. L’étape actuelle doit être
tenue pour passagère comme le montre le caractère dynamique de l’indépendance
du Pouvoir judiciaire à travers son histoire.
2.4. Le caractère dynamique
de l’indépendance du Pouvoir judiciaire
L’indépendance
du Pouvoir judiciaire est une concrétisation du principe de la séparation des
pouvoirs (2.4.1). Pour son effectivité au Congo-Kinshasa, les praticiens du
droit ainsi que les juristes congolais doivent s’investir, en mobilisant tous
les moyens juridiques à disposition (2.4.2).
2.4.1. De la séparation des
pouvoirs à l’indépendance de la Justice
Le
Siècle des Lumières, à travers les idées de Locke et de Montesquieu, a distillé
l’idée de séparation des pouvoirs dans les esprits. L’article 16, et
initialement prévu pour être le dernier, de la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que « toute société dans
laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas assurée, n’a point de
constitution ». C’est ainsi qu’en procédant à une épuration de la
magistrature monarchiste, la troisième République française a contribué à
l’avènement d’une magistrature républicaine en France. Le passage de la Justice
retenue à la Justice déléguée en matière administrative qui a rendu la section
du contentieux du Conseil d’État indépendante de l’administration a constitué
également une étape importante.
La
Constitution de 1958 a également opéré un tournant majeur dans la promotion de
l’indépendance de la Justice par l’énonciation de principes fondamentaux
(inamovibilité des juges, établissement d’un Conseil supérieur de la
magistrature) mais qui laisse l’indépendance institutionnelle incomplète
(absence de généralité de la procédure de nomination sur avis conforme du Conseil
supérieur de la magistrature, dépendance budgétaire)[14].
L’indépendance
du Pouvoir judiciaire doit être entendue comme conséquence de la séparation des
pouvoirs. Ce dernier principe veut que chaque pouvoir s’organise en son sein
sans interférence d’autres pouvoirs, sous réserve d’un contrôle mutuel prévu
par la constitution et non par une loi, fût-elle formelle, qui n’est qu’un acte
d’un pouvoir. La séparation des pouvoirs contient, à notre sens, l’idée de
l’égalité des pouvoirs. Le seul organe qui est au-dessus des trois c’est le
souverain qui, en démocratie, est le peuple.
Si la
séparation des pouvoirs est garantie constitutionnellement au Congo-Kinshasa,
la pratique donne l’impression d’un Congo monarchique. Quand bien même la
Constitution le rattache au seul Pouvoir exécutif, le Président de la
République, fort de son titre constitutionnel de « Chef de l’État »,
peut être considéré aussi bien par lui-même que par les membres des Pouvoirs
législatif et judiciaire comme étant au-dessus des trois pouvoirs
traditionnels. Pour éviter ce risque, il faudrait que les cours et tribunaux
fassent respecter le principe de la séparation des pouvoirs, en analysant à la
loupe les actes juridiques posés par l’Exécutif pour annuler ceux qui le
violent.
L’indépendance
de la Justice exige donc, en plus d’un salaire décent pour les magistrats,
qu’aucun autre pouvoir ne se mêle ni dans la désignation des magistrats, ni
dans leur transfert, ni dans leur promotion, ni dans les mesures disciplinaires
à leur encontre, ni dans leur révocation. C’est à la lumière de cette conception
de l’indépendance de la Justice, garantie constitutionnellement en droit
congolais, qu’il faudrait apprécier la validité de l’ordonnance présidentielle.
Celle-ci accorde au Ministre de la justice des attributions faisant de lui une
autorité hiérarchique du Pouvoir judiciaire, subordonnant ainsi celui-ci au
Pouvoir exécutif[15].
Cette ordonnance est sur ce point contraire à la constitution et pourrait être attaquée
devant le juge constitutionnel.
Comme
on le voit, l’indépendance du Pouvoir judiciaire qui découle de la séparation
des pouvoirs n’est pas encore effective au Congo[16].
2.4.2. La conquête de l’indépendance
effective du Pouvoir judiciaire au Congo
La conquête
de l’indépendance effective du Pouvoir judiciaire peut être l’œuvre du Conseil supérieur
de la magistrature (2.4.2.1) et des praticiens du droit (2.4.2.2) contrairement
à l’opinion de Vundwawe (2.4.2.3).
2.4.2.1. Le rôle du Conseil
supérieur de la magistrature dans l’indépendance du Pouvoir judiciaire
Le Conseil
supérieur de la magistrature a un grand rôle à jouer dans la lutte pour
l’indépendance du Pouvoir judiciaire. C’est lui qui doit en être le garant, en
exerçant ses compétences constitutionnelles, en encourageant les magistrats à
n’obéir qu’à la loi et en les défendant, le cas échéant, contre les mesures de
rétorsion que pourrait adopter le Pouvoir exécutif qui a le commandement de
l’armée et de la police, toujours prêtes
à torturer au lieu de défendre le territoire congolais et protéger les
biens de police.
En
France, par exemple, le Conseil supérieur de la magistrature a permis une
avancée en matière d’indépendance de la Justice, puisque, outre ses deux
prérogatives essentielles - nominations et discipline - il est chargé
d’assister le Président de la République dans son rôle de garant de
l’indépendance de l’autorité judiciaire[17].
Pour ce faire, il effectue des missions d’information auprès de la Cour de
cassation, des cours d’appel, des tribunaux et de l’École nationale de la
magistrature. Dans le cadre de cette mission, il a ainsi adressé à plusieurs
reprises des avis, rendus publics, au Président de la République.
Il
faut néanmoins souligner que cette réduction du Conseil supérieur de la
magistrature à un organe consultatif du Président de la République est contraire
à l’indépendance de la Justice en France. Il est nécessaire que les magistrats
conquièrent cette indépendance, comme cela s’est produit dans l’histoire du
contentieux administratif à propos du Conseil d’État avec l’arrêt
« Cadot ». Par cet arrêt, rendu le 13 décembre, le Conseil d’État
affirmait son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, en consacrant
l’abandon définitif de la règle de l’administrateur-juge par la réception d’un
recours porté directement devant lui sans passer par la juridiction
ministérielle[18]. Le
Conseil d’État devenait ainsi une juridiction administrative de droit commun en
premier et en dernier ressort.
Comme
on le voit, il y a encore un chemin à parcourir pour que le Pouvoir judiciaire
français soit réellement indépendant du Pouvoir exécutif. Il faudrait que son
indépendance soit garantie par le Conseil supérieur de la magistrature
constitué exclusivement des magistrats. C’est d’ailleurs l’option qu’a prise le
constituant congolais. Néanmoins, au lieu de s’impliquer dans cette dynamique
jusqu’au bout, l’ordonnance présidentielle octroie au Ministre congolais de la
Justice les fonctions qui reviennent au Conseil supérieur de la magistrature,
en violation du principe constitutionnel de l’indépendance du Pouvoir
judiciaire.
2.4.2.2. Le rôle des juges et
des avocats dans la conquête de l’indépendance du Pouvoir judiciaire
Dans
l’histoire de la justice française, les avocats et les juges ont joué un rôle considérable
dans le progrès de l’indépendance du Pouvoir judiciaire. En effet, les
parlements de l’Ancien régime ont historiquement construit l’idée
d’indépendance du Pouvoir judiciaire : expression d’un contre-pouvoir
frustre, mi-législatif, mi-judiciaire, au pouvoir royal dans un système de
confusion des pouvoirs détenus par un monarque inspiré de Dieu. Ils ont réalisé
un pouvoir judiciaire contre lequel la révolution française s’est faite[19].
Les droits de remontrance, la formalité de l’enregistrement et les diverses
techniques d’opposition, devenue systématique après 1750, qui obligeaient le
Roi à tenir « un lit de justice » au parlement, démontrent une
indépendance institutionnelle de nature politique.
De
nombreux révolutionnaires de 1789 étaient par ailleurs avocats. La République a
connu par la suite de grands hommes politiques issus du barreau. Sur la période
récente, les hauts magistrats, soit par des déclarations spontanées, soit par
des rapports officiels (rapport « Coulon », rapport
« Magendie ») peuvent contribuer à la réflexion sur des réformes de
structure ou de procédure. C’est notamment le cas de la Commission de réflexion sur
l’indépendance de la Justice dirigée par Pierre Truche, premier président de la
Cour de cassation entre 1996 et 1999, qui a remis au Président de la République
un rapport en 1997 sur l’amélioration de la qualité de la Justice.
Ces
exemples français devraient interpeller les praticiens du droit au Congo. Il
faudrait que les magistrats et les avocats congolais travaillent à l’effectivité
de l’indépendance du Pouvoir judiciaire. Ils ont le devoir de faire respecter
le droit et d’affirmer l’indépendance de la Justice à travers l’exercice de
leurs fonctions. C’est surtout aux magistrats qu’il revient d’être courageux et
d’utiliser les moyens juridiques à leur disposition pour condamner
juridictionnellement toute tentative de subordination du Pouvoir judiciaire au
Pouvoir exécutif, respect de la Constitution oblige. Leur rôle est de dire le
droit ; ils n’ont au-dessus d’eux que la loi au sens large à laquelle ils
doivent obéir. Ils ne sont pas membres de l’Administration publique pour
dépendre du Pouvoir exécutif. Ils font partie d’un pouvoir différent et
indépendant, tirant son existence et ses compétences de la Constitution, de la
même manière que l’Exécutif, même s’ils n’ont pas de mandat électif.
2.4.2.3. L’opinion de Vundwawe
sur l’effectivité de l’indépendance de la Justice
Le
Professeur Vundwawe plaide pour une indépendance effective de la Justice à
l’égard du Pouvoir exécutif. Pour cela, il estime qu’il faudrait que le
Gouvernement qui a le monopole de la puissance publique s’interdise de refuser
d’appliquer les décisions judiciaires ou de faire obstruction à leur
exécution et d’interférer dans les nominations et promotions des
magistrats en gênant le fonctionnement normal du Conseil supérieur de la
magistrature ; que l’Administration verse régulièrement et à temps les
rémunérations des magistrats. Le Président de la République est, pour sa part,
invité à user de ses prérogatives
constitutionnelles (art. 69) à bon escient : « Il doit protéger de
bons magistrats en les encourageant par des avantages tant matériels que moraux
(…) il doit faire sanctionner négativement les mauvais en les mettrant (sic) à
la disposition du CSM qui est leur juridiction disciplinaire. C’est ainsi que
le corps de la magistrature sera débarrassé des éléments incompétents,
corrompus et indésirables. En définitive, le Président de la République doit
veiller à ce que non seulement des rémunérations dignes de leurs fonctions
soient données aux magistrats, mais aussi et surtout que des conditions
décentes et permissives de travail de qualité soient assurées. »[20]
Les
différentes solutions que Vundwawe propose pour l’effectivité de l’indépendance
du Pouvoir judiciaire à l’égard de l’Exécutif au Congo semblent peu efficaces
du point de vue juridique. En effet, il s’en remet à la bonne volonté du
Gouvernement et de l’Administration, comme s’il s’agissait d’un présent à
décerner aux magistrats. Pourtant, il s’agit des droits appartenant à ces
derniers et des devoirs incombant aux premiers. Il est donc regrettable de
constater que le Professeur Vundwawe ne fait pas allusion à la possible
sanction juridictionnelle de l’immixtion du Pouvoir exécutif dans le domaine
d’exercice du Pouvoir judiciaire. La Cour constitutionnelle ne pourrait-elle
pas être saisie par les magistrats pour violation du principe constitutionnel
de leur indépendance par les membres du Pouvoir exécutif ?
L’Administration ne pourrait-elle pas être interpellée pour versement irrégulier
et tardif du salaire des magistrats ?
On
peut également s’étonner du fait que pour assurer l’indépendance de la Justice
au Congo, Vundwawe propose que le Président de la République accorde des avantages
matériels et moraux aux magistrats. On pourrait se poser plusieurs
questions : Les magistrats sont-ils des commissionnaires du Président
de la République, lequel doit les gratifier pour les encourager à lui rendre
des services ? Les avantages matériels, eux-mêmes, proviendraient-ils du
porte-monnaie du Président ou du Trésor public ? Dans la première éventualité,
pourquoi faire peser sur une personne le devoir de payer un service public de
l’État ? Dans la seconde, ces avantages devront-ils être budgétisés ?
Si oui, pourquoi ne pas simplement augmenter le salaire des magistrats ? En tout état de cause, la solution pragmatique
du Juriste congolais ne paraît pas apte à contribuer durablement et
efficacement à l’indépendance de la Justice. Au contraire. Il faut plutôt
allouer effectivement un salaire décent et correct aux magistrats et leur
assurer une immunité vis-à-vis des agents de l’ordre, comme le suggère par
ailleurs et à juste titre le Professeur Vundwawe (cf. supra). Que les magistrats eux-mêmes aussi sachent utiliser le
droit pour assurer leur indépendance et garantir ainsi leur impartialité.
3. Pour une impartialité effective
des magistrats
À
l’indépendance de la Justice est liée l’impartialité des magistrats qui n’est
pas non plus effective au Congo. D’après l’AHJUCAF[21],
l’indépendance du Pouvoir judiciaire est institutionnelle ; mais elle peut
être reflétée par l’indépendance personnelle des juges par rapport aux éléments
extérieurs et par rapport à eux-mêmes. Cette dernière indépendance est proche
de la notion d’impartialité, tout en en étant distincte. Comme moyen pour
rendre une justice correcte, l’impartialité est synonyme d’indépendance
personnelle des magistrats. Toutefois, l’impartialité du Tribunal est un droit
du justiciable et, en pratique, une forme d’expression de l’indépendance
personnelle qu’elle présuppose, « celle de l’esprit des textes plus que
celle des textes eux-mêmes »[22].
Il existe donc un lien intrinsèque entre indépendance du Pouvoir judiciaire et
impartialité de magistrats.
L’impartialité
s’oppose à ce que les circonstances extérieures à l’affaire puissent influencer
le jugement en faveur ou au détriment d’une partie[23].
Elle peut, d’après le Tribunal fédéral suisse, s’apprécier selon une démarche
subjective et objective. La démarche subjective conduit à déterminer ce que tel
juge pense dans son for intérieur en telle circonstance. L’impartialité
subjective se présume jusqu’à preuve du contraire et implique l’absence de tout
parti pris et de tout préjugé. C’est sans doute de cette impartialité qu’il
s’agit dans un arrêt de la Cour suprême de justice. Se référant à ses anciens
arrêts (RP 182, 184 et 185), cette haute cour, en voie de disparition, relève
que certaines juridictions de Lubumbashi n’étaient plus en mesure de rendre une
justice impartiale dans les causes impliquant un important homme d’affaires qui
a été de surcroît membre de l’Assemblée régionale, lequel exerce une emprise
totale sur ces juridictions. Par conséquent, une affaire qui concerne cet homme
d’affaires doit être renvoyée devant un autre tribunal de paix jouissant de la
présomption d’impartialité[24].
La
démarche objective, elle, consiste à rechercher si tel juge offre des garanties
suffisantes. L’impartialité objective implique la prise en compte de
considérations de caractère fonctionnel et organique ; elle s’oppose au
cumul de fonctions. Par exemple, les fonctions de juge d’instruction et de juge
du fond ne peuvent pas être exercées successivement par un même magistrat dans
une même affaire[25].
L’impartialité objective s’oppose à toute apparence de doute sur le juge. La
Cour européenne des droits de l’homme a dit à ce sujet : Justice must not only be done ; it must
also be seen to be done[26].
Si
l’impartialité objective des magistrats congolais peut être garantie en évitant
le cumul de fonctions juridictionnelles, il n’en va pas autant de
l’impartialité subjective qui est souvent hypothéquée. En effet, le juge
congolais se laisse influencer par les ingérences
politiques et le pouvoir de l’argent. Ceux qui n’ont pas de connaissances parmi
les autorités politiques influentes ont presque toujours perdu leur procès. Le
critère de parenté au sens large (famille, clan, tribu, ethnie) avec un haut
placé est un atout important pour gagner le procès. Le contraire l’est pour la
perte du procès, même si on a juridiquement raison. Le Congolais est donc, sur
ce point, privé d’un juge impartial.
Le
pouvoir de l’argent porte aussi atteinte à l’impartialité du juge. Celui-ci, se
fondant sur son maigre salaire, demande de l’argent à tout prix aux parties pour
prononcer un jugement, sinon le délai est tiré en longueur, sans peur de verser
dans un retard injustifié qui est une composante du déni de justice formel.
Ensuite, le gain du procès revient à la partie qui offre plus de sous. Les
avocats et les magistrats entretiennent des relations mercantilistes bradant le
droit contre l’argent[27]. C’est donc l’argent qui
parle et non le droit. Mieux « le juge dit les dollars et non la
loi ». Devenus ainsi professionnels de la monnaie américaine au Congo
plutôt que du droit, certains magistrats érigent la « juris-diction »
en « mamon-diction », et ce en toute impunité. Le rapport de l’ONU à
ce sujet est très alarmant :
« Alors que les avocats ne semblent
souffrir ni d’un manque d’organisation de leur profession, ni de l’absence
d’indépendance au niveau formel, les difficultés qu’ils rencontrent se situent
au niveau du manque d’indépendance des magistrats, et notamment de leur
corruption. Il est bien trop fréquent que les juges demandent de l’argent aux
avocats et, s’ils ne payent pas, ils perdent le plus souvent les procès. De ce
fait, une partie des avocats se laissent corrompre et ceux qui restent intègres
ont beaucoup de difficultés. »[28]
L’impartialité de juges est également mise
en danger par l’exercice du droit à l’assistance judiciaire gratuite, découlant
du droit à la défense (art. 19, al. 3, 4 et 5 Cst), reconnu au justiciable
dépourvu de moyens financiers. Cette assistance est dévolue pour la plupart du
temps aux avocats sans expérience et qui ne reçoivent finalement pas
d’honoraires de la part de l’État.
Ils ne peuvent donc pas assurer une bonne défense à ceux qui sont devenus leurs
clients. Voici ce que note le Rapporteur spécial de l’ONU :
« Afin de garantir ce droit, l’État
doit fournir une assistance légale gratuite à ceux qui n’ont pas suffisamment
de moyens pour la payer. La loi prévoit qu’auprès de chaque barreau, il existe
une commission de consultation gratuite, ordinairement appelée ‘Bureau
d’assistance gratuite’. Les avocats commis par cette commission sont tenus
d’assister gratuitement les justiciables qui n’ont pas les moyens de payer un
avocat. Ces avocats ont généralement très peu d’expérience et sont peu motivés
par ces dossiers pour lesquels ils ne reçoivent aucune rémunération. Le budget
de l’État ne contient aucune prévision afin de rémunérer les avocats qui
fournissent l’assistance juridique gratuite aux indigents qui, en République
démocratique du Congo, constituent la majorité de la population. »[29]
L’inégalité d’armes existe également entre
les parties défendues par les avocats et celles défendues par les défenseurs
judiciaires. Ces derniers ne peuvent exercer leur défense que devant les
tribunaux de paix et devant les tribunaux de grande instance. Ils ne sont pas
bien formés et ne disposent pas de qualification nécessaire pouvant leur
permettre d’assurer une bonne défense à leurs clients, à l’instar des avocats[30].
Cette inégalité d’armes de défense qui se
crée entre les parties au procès ne peut pas aider à l’effectivité de
l’impartialité des magistrats qui constitue un droit fondamental du Congolais
garanti aussi bien par la Constitution que par le Pacte II de l’ONU auquel le
Congo est partie.
Le droit à un juge impartial ne peut
s’exercer si l’accès au juge est difficile, voire impossible. La grande
majorité des congolais ne peuvent pas saisir un juge, à cause notamment de la
pauvreté et du manque de tribunaux de proximité. Le Rapporteur de l’ONU a
épinglé les obstacles suivants : l’insuffisance des tribunaux et l’éloignement
géographique, la pauvreté, l’ignorance du droit, règlement à l’amiable fondé
sur la justice coutumière, la corruption et l’ingérence politique au sein du Pouvoir
judiciaire, l’insécurité, le pouvoir des officiers judiciaires vis-à-vis du
parquet, le manque d’accès à la Justice des populations vulnérables[31].
Ces
obstacles doivent être combattus autant par les congolais que par les
partenaires extérieurs. Il revient au peuple congolais, à travers ses
représentants que sont les députés, de réclamer la réforme de l’organisation
judiciaire, avec une mise en place de tribunaux accessibles à tous. Les
magistrats doivent être probes sous peine de sanction. En vue de contrôler la
probité des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature peut avoir des
antennes auprès de tous les tribunaux, dont le nombre ne sera pas en deçà de
trois membres. De leur côté, les justiciables apprendront à dénoncer toute
pratique de corruption et devront être écoutés par les autorités compétentes. Les
droits constitutionnels des citoyens ainsi que la procédure judiciaire doivent
être vulgarisés, afin que tout congolais soit informé de ses droits et sache
les revendiquer devant une autorité compétente, en suivant la procédure prévue
à cet effet. L’autorité du juge doit non pas apeurer, mais rassurer le citoyen
congolais dont la protection juridique n’est pas toujours effective.
Quant aux
partenaires extérieurs qui financent le fonctionnement du Pouvoir judiciaire congolais
et lui offrent des moyens matériels pour l’exercice de sa mission, ils ont un
devoir moral de s’assurer de l’effectivité de l’indépendance de la Justice sans
laquelle on ne peut pas parler d’impartialité des juges. Ils ne devraient pas,
sous peine d’être soupçonnés de complicité, continuer à financer un pouvoir
judiciaire politisé, qui se livre à la corruption et n’assure pas efficacement la
protection juridique des citoyens.
Conclusion
De
cette analyse il découle que l’indépendance du Pouvoir judiciaire garantie par
la Constitution congolaise peut être considérée comme une coquille vide et le
droit des Congolais à un juge impartial n’est pas toujours effectif. Les attributions
du Ministre de la Justice font de lui une autorité de surveillance du Pouvoir
judiciaire, compétence dévolue constitutionnellement au Conseil supérieur de la
magistrature. Elles violent, de ce fait, l’indépendance du Pouvoir judiciaire,
corollaire de la séparation des pouvoirs sans laquelle il ne peut exister une
justice saine et efficace.
Pour
arriver à cette justice au Congo-Kinshasa, il faudrait assurer au Pouvoir judiciaire une indépendance
effective vis-à-vis du Pouvoir exécutif, en fustigeant notamment toutes les
interférences des autorités politiques et militaires. Si l’Exécutif congolais
maintient son emprise sur le Pouvoir judiciaire, il revient aux magistrats
eux-mêmes de s’émanciper, de faire valoir et, au besoin, de revendiquer le
respect du principe constitutionnel à l’indépendance du Pouvoir judiciaire. Que
par des arrêts courageux, ils affirment leur indépendance vis-à-vis de
l’Exécutif et arrivent à annuler ou à constater la nullité des actes du Pouvoir
exécutif illégaux et inconstitutionnels. Que les magistrats de hautes Cours se débarrassent
de tout complexe à l’égard des ministres, car ils ne leur sont nullement
inférieurs ; ils ne sont que différents d’eux puisqu’appartenant à un
pouvoir différent.
Placer
de iure ou de facto la fonction
essentielle du Pouvoir judiciaire, celle de dire le droit, sous la surveillance
du ministère de la Justice et donc sous la dépendance de l’Exécutif est une atteinte
à l’indépendance de la Justice. La concrétisation rigoureuse de cette
indépendance exige que le Conseil supérieur de la magistrature dispose d’un
pouvoir réel de nommer, de transférer, de révoquer ou de relever de leurs
fonctions les magistrats. Le Président de la République peut toujours garder la
compétence de formaliser ces actes, mais sans droit de veto.
Enfin,
il n’est pas superfétatoire de noter que l’indépendance du Pouvoir judiciaire constitue
la clé de voûte de tout État de droit. Aussi, tant qu’elle ne sera pas
effective au Congo-Kinshasa, on ne peut y parler de cet État. La conquête de
cette effectivité demeure un défi aussi bien pour la doctrine que pour les
praticiens du droit congolais.
Constantin Yatala Nsomwe Ntambwe
Docteur en
Droit de l’Université de Fribourg (Suisse)
Sources de Droit congolais utilisées
-Déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948
-Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
-Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Afr/instr_81.htm
-Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006
-Loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats
-Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature
[1] Lire l’intégralité de ce point de presse sur : http://www.justice.gov.cd/j/index.php?option=com_content&task=view&id=96&Itemid=45
[3] À rappeler que le droit
congolais s’inspire, dans ses grands principes, du droit français, directement
ou par le biais du droit belge.
[4] On trouve également ces
attributions sur le site du ministère de la Justice : http://www.justice.gov.cd/.
[5] À noter que des
relations peu claires entre le Ministre de la Justice et le Pouvoir judiciaire
ont amené Rachida Dati, alors Ministre française de la Justice, à des
immixtions dans l’exercice du Pouvoir judiciaire entraînant en octobre 2008 une
grève des magistrats en guise de protestation. De plus, le 13 juillet 2009, les
deux principaux syndicats de magistrats, l'Union syndicale de la magistrature
(USM, majoritaire) et le Syndicat de la magistrature, ont critiqué l’actuelle
ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, qui a demandé et obtenu un appel
du parquet contre le verdict du procès de l'affaire Halimi. Tout en
reconnaissant que le garde des Sceaux a légalement le droit de donner des
consignes générales de politique pénale et des instructions dans des affaires
particulières par écrit, ils estiment que l'utilisation extensive de ce pouvoir
contredit le principe constitutionnel d'indépendance de la justice (cf. http://fr.news.yahoo.com/4/20090713/tts-france-halimi-magistrature-ca02f96.html).
Ces réactions constituent un signal appelant à rendre effectif le principe de
l’indépendance du Pouvoir judiciaire sans lequel il n’existe pas une séparation
effective des pouvoirs. Cette dernière étant, à notre avis, la condition
nécessaire d’un État de droit, elle doit être concrétisée dans toutes les
rapports entre les différentes fonctions et les différents organes étatiques.
[6] MONTESQUIEU, De l’esprit des lois ; avec des
notes de Voltaire, de Crevier, de Mably, de la Harpe, etc. Nouvelle édition sur
les meilleurs textes, suivie de la défense de l’esprit des lois par l’auteur,
Garnier, Paris 1869, p. 142 ; D. CHAGNOLAUD, Droit constitutionnel contemporain, Dalloz, Paris 1999, p. 59 et
61.
[7] F. VUNDWAWE te PEMAKO, Traité de droit administratif, Larcier, Bruxelles 2007, p.
858-859 ; Cour Suprême de Justice, Arrêt (RC. 2407) du 8 février 2002,
Bull. Arrêts 2004, p. 114-115.
[8] Sur les deux conceptions de la séparation des pouvoirs, cf. Constantin
YATALA NSOMWE NTAMBWE, L’institution de
tribunaux administratifs dans la société ecclésiale, Thèse, Fribourg 2009,
p. 278.
[9] Art. 65 de la Constitution du 4 octobre 1958;
cf. http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/node/44.
[10] §§ 39 et 40 du Rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur
l’indépendance des juges et des avocats, Leandro Despouy, sur sa mission en
République démocratique du Congo (15-21 avril 2007), présenté devant le Conseil
des droits de l’homme, le 11 avril 2008, à la huitième session consacrée à « la
promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement ».
On peut trouver l’entièreté de ce rapport sur :
http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/GEN/G08/128/50/PDF/G0812850.pdf?OpenElement.
[11] Cf. Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006
portant statut des magistrats, Exposé des motifs, §4, ch. 3.
[12] C’est discutable du fait
que la Constitution a rattaché les magistrats des parquets au Pouvoir
judiciaire et non au Pouvoir exécutif. Par conséquent, on aurait du prévoir
qu’ils prêtent, eux, serment devant le Président du Conseil supérieur de la
magistrature, entouré des autres membres de ce conseil.
[13] La procédure disciplinaire est décrite aux articles 50 à
64, contrairement au titre de la section 2 qui limite la procédure aux seuls
articles 50 à 62.
[14] Parallèlement à ces
garanties, des règles de protection de la personne et de la carrière du
magistrat, assorties de procédures permettant d’en assurer l’effectivité, doivent
exister. Elles concernent en particulier l’inamovibilité, l’immunité
juridictionnelle, les modalités transparentes d’avancement, de mutation, de
gestion de carrière et de rémunération.
[15] Le fait que le Pouvoir
judiciaire est, dans la plupart des constitutions étatiques, cité en dernier
après le Législatif et l’Exécutif ou qu’il s’est constitué historiquement après
les autres ne doit pas en faire un pouvoir inférieur aux autres. C’est gravissime
de le penser dans un état qui se veut de droit.
[16] À noter qu’en l’absence d’une indépendance
effective du Pouvoir judiciaire, le droit fondamental du Congolais à un
tribunal indépendant et impartial ne peut pas être effectivement garanti. Ce
droit est reconnu par les instruments internationaux ratifiés par le Congo (art.
10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 14 du Pacte II de l’ONU et art.
7 al. 1, let. d de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples pour le droit à une juridiction
impartiale) et auxquels le Peuple congolais réaffirme son adhésion et son
attachement dans le Préambule de la Constitution. On peut toujours l’invoquer dans un cas concret
devant une juridiction compétente, pourvu que celle-ci soit effectivement
indépendante. L’indépendance effective du Pouvoir judiciaire est une condition sine qua non d’exercice du droit à un
juge indépendant et impartial et des autres droits fondamentaux figurant dans
la Constitution et les instruments internationaux de protection des droits de
l’homme liant le Congo.
[17] Art. 64 de la
Constitution du 4 octobre 1958. À noter qu’avec la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008, le nouveau Conseil supérieur n’est plus présidé par le
Président de la République. Le nouvel article 65 de la Constitution consacre
l’existence de trois formations du Conseil supérieur de la magistrature :
la formation compétente pour les magistrats du siège est présidée par le
premier Président de la Cour de cassation ; la formation compétente pour
les magistrats du Parquet est présidée par le Procureur général près la Cour de
cassation et la formation plénière est présidée par le premier Président de la
Cour de cassation. Cette dernière formation est compétente pour donner des avis
au Président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire
selon l’article 64 (Sur cette révision, cf. P. PACTET / F. MÉLIN-SOUCRAMANIEN,
Droit constitutionnel, 27è édition, Sirey, Paris 2008, p. 523-524). Il faut
relever que le fait d’attribuer au Président de la République le titre de
garant de l’indépendance du Pouvoir judiciaire n’est pas conforme à la
séparation des pouvoirs et porte paradoxalement atteinte à l’indépendance de ce
pouvoir.
[18] C.E., 13 déc. 1889, Cadot. De quoi s’agit-il ? La ville de
Marseille avait supprimé l’emploi de M. Cadot, ingénieur de voirie ;
celui-ci avait demandé des dommages-intérêts et sa requête fut rejetée par le
conseil municipal. Sieur Cadot interjeta recours contre cette décision de refus
auprès du conseil d’État qui se déclara compétent : « Du refus du
maire de Marseille de faire droit à la réclamation du Sieur Cadot il est né
entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d’État de
connaître » (J. Morand-Deviller,
Cours de droit administratif, Thèmes de
réflexion, Commentaire d’arrêts avec corrigés, 6e éd., Montchréstien,
Paris 1999, p. 24 ; M. Hauriou,
Précis de droit administratif et de droit
public, 6e éd. Sirey 1907, p. 822, note 2). Morand-Deviller
précise que le Commissaire du gouvernement avait été beaucoup plus explicite en
déclarant que partout où il existe une autorité ayant un pouvoir de décision
propre un débat contentieux peut naître et le Conseil d’État peut être
directement saisi (J. Morand-Deviller,
p. 24). Dès lors, de nombreuses décisions confirmant cette jurisprudence
survinrent par la suite (M. Hauriou,
p. 822, note 2, et les arrêts cités aux pages 472 et 479).
[19]En effet, exprimant la crainte des révolutionnaires à l’égard d’un
pouvoir judiciaire trop puissant, l’article 5 du Code civil, issu de la loi du
5 mars 1903, interdit aux juges de rendre des arrêts de règlement en affirmant
qu’ « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».
[21] L’Association des Hautes Juridictions de cassation des Pays ayant en
partage l’Usage du Français est créée en 2001 et regroupe 48 cours suprêmes et
cours de cassation dont la Cour suprême de Justice du Congo-Kinshasa.
[22] « La problématique
de l’indépendance de la Justice », Actes du deuxième Congrès de l’AHJUCAF
à Dakar (Sénégal), 7 et 8 novembre 2007, http://www.ahjucaf.org/spip.php?rubrique448.
[23] Cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2.
[24] ; Cour Suprême de Justice,
Arrêt (RR 187/188) du 2 février 1995, Bull. Arrêts 2003, p. 113 et 114.
[25] ATF 112 Ia 290 S.
[26] ACEDH Pescador Valero du 17 juin 2003, Rec. 2003-VII, §21.
[27] Cf. F. VUNDWAWE te PEMAKO, p. 119.
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