L’inconstitutionnalité substantielle de la
révision des dispositions constitutionnelles relatives au Pouvoir judiciaire et
aux Institutions provinciales
La
révision constitutionnelle, qui a abouti à la La Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles
de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006[1]
(ci-après : Loi constitutionnelle), a apparemment suivi la procédure
constitutionnelle, même si l’on ne connaît pas exactement le véritable initiateur
selon l’article 218 de la Constitution. Ce que l’on sait c’est que l’initiative
de la révision a été rendue publique à partir de l’Assemblée nationale. Si
c’est effectivement cette chambre du Parlement qui en a pris l’initiative, on
ne connaît pas avec précision la moitié de ses membres en ayant été à l’origine.
Ce, d’autant plus que le texte original de la révision est attribué à deux ou
trois députés nationaux[2].
Dès lors, une question se pose : l’appropriation de la proposition de
révision par l’Assemblée nationale pour en faire son initiative a-t-elle
coïncidé avec sa décision du bien fondé de cette proposition [3]?
Ces questions, tout en gardant leur pertinence, ne feront pas l’objet de cette
étude qui porte non pas sur la constitutionnalité procédurale, mais matérielle
de la révision constitutionnelle.
En
effet, la Loi constitutionnelle a notamment révisé deux des matières
intangibles qui sont définies par l’article 220 de la Constitution : l’indépendance
du Pouvoir judiciaire (1) et les prérogatives des provinces (2). Ce constat
engendre la question du contrôle de constitutionnalité d’une loi
constitutionnelle (3).
1. De l’indépendance du Pouvoir judiciaire
L’ancien
article 149, alinéa premier, de la Constitution qui garantissait l’indépendance
du Pouvoir judiciaire précisait également que celui-ci était dévolu aux cours
et tribunaux ainsi qu’aux parquets près ces juridictions[4].
La loi constitutionnelle supprime, en son premier article, les parquets parmi
les titulaires du Pouvoir judiciaire. Désormais, l’article 149, alinéas 1 et 2 de
la Constitution a la teneur suivante : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du
pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux cours et tribunaux
qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat,
la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et militaires. » L’Exposé
des motifs de la Loi constitutionnelle (dans la suite : L’Exposé des
motifs) précise que l’amendement apporté « remet en harmonie l’article 149
avec les articles 150 et 151 qui proclament l’indépendance du seul magistrat du siège
dans sa mission de dire le droit »[5].
Les
Parquets ayant été une composante du Pouvoir judiciaire, le fait de les y
soustraire constitue une atteinte à l’indépendance de ce Pouvoir. C’est une
violation de l’article 220 de la Constitution qui prévoit l’irrévisabilité de
cette matière. Il s’agit, en conséquence, d’une révision matériellement
inconstitutionnelle. L’argument de l’harmonie avec les articles 150 et 151 de
la Constitution évoqué dans l’Exposé des motifs de la Loi constitutionnelle ne
pèse pas juridiquement, car les deux dispositions ainsi que l’ancien article
149, alinéa premier, étaient de même rang et protégés par le même article 220
de la Constitution. Qui plus est, l’ancien article 149, alinéa premier, de la
Constitution était une norme générale et basique concernant l’ensemble du
Pouvoir judiciaire, tandis que les articles 150 et 151 de la Constitution en
est une concrétisation presque redondante, car ils ne portent que sur une
composante de ce Pouvoir.
De
plus, il faut signaler que cette révision impacte la composition du Conseil
supérieur de la magistrature (CSM). Contrairement à la dénomination qui fait
penser aux magistrats aussi bien du siège que du parquet, ce qui était conforme
à l’ancien article 149, alinéa 1, de la Constitution, le CSM est un organe de
gestion du seul Pouvoir judiciaire (art. 152, al. 1 Cst[6])
dont ne font plus partie les Parquets. Aussi, seuls les membres de ce Pouvoir,
selon l’article 149 révisé, al. 1 et 2, sont habilités à y siéger. Les
magistrats des Parquets doivent être écartés de cet organe par respect pour la
Loi constitutionnelle et pour la cohérence du système institutionnel. De même,
l’article 152 de la Constitution ainsi que l’article 3 de la Loi sur le CSM
doivent être révisés et plus rapidement possible, presqu’à la même vitesse que
la dernière révision constitutionnelle, pour éviter de sombrer dans la
désharmonie constitutionnelle.
Il
faut, par ailleurs, relever que les Parquets ont été détachés du pouvoir
judiciaire sans être attachés constitutionnellement à un autre pouvoir[7].
Aussi, contrairement aux cours et tribunaux qui ont un fondement
constitutionnel les habilitant à fonctionner en attendant l’installation des
leurs correspondants institués par la Constitution (articles 223 et 224 Cst),
les Parquets sont dépourvus de fondement et la question de leur légitimité
pourrait se poser.
Quoiqu’il
en soit, en soustrayant les Parquets au Pouvoir judiciaire, la révision
constitutionnelle a matériellement violé la Constitution, car elle a porté sur
une matière intangible.
2. Des prérogatives des provinces
L’article 1 de la Loi constitutionnelle
modifie les articles 197 et 198 Cst en octroyant au Président de la République
des pouvoirs de crise sur les Institutions provinciales. L’Exposé des motifs de
cette loi note que « les articles 197 et 198 reconnaissent au
Président de la République, sans restreindre les prérogatives des provinces, en
concertation avec les Bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, le pouvoir
de dissoudre une Assemblée provinciale ou relever de ses fonctions un
Gouverneur de province en cas de crise grave et persistante menaçant le
fonctionnement régulier des institutions provinciales »[8].
Cette loi permet désormais au Président de la
République d’user de l’arbitrage que lui attribue l’article 69, al. 3 Cst pour
mettre fin aux conflits éventuels du genre de ceux que l’on aurait enregistrés
au cours de cette législature qui vit sa dernière année. L’affirmation selon
laquelle la révision de ces articles ne réduit pas les prérogatives des
provinces, ne suffit pas pour convaincre qu’effectivement les prérogatives des
provinces n’ont pas été restreintes. Ces prérogatives pourraient faire
penser directement à la liste dressée par la Constitution, en ses articles 201
à 206, pour répartir les compétences entre le pouvoir central et les provinces.
C’est pourquoi, il faut tout d’abord appréhender le sens du mot
« prérogative » pour conclure à la réduction ou non des prérogatives
provinciales du fait de la révision. Qu’est-ce donc que prérogative ?
Une
prérogative est un avantage que la société reconnaît à une personne.
Juridiquement, elle équivaut à un droit subjectif qui peut être de jouissance
ou de compétence[9]. Aussi,
font partie des prérogatives des provinces, le respect du mandat des députés
provinciaux, le maintien en poste du Gouverneur jusqu’à la fin de son mandat et
sa destitution par une motion de censure et de défiance votée par l’Assemblée
provinciale (art.198, al.3 Cst). Ces prérogatives découlent de l’autonomie
fonctionnelle des provinces à l’égard du Pouvoir central. Or, les articles 197
et 198 tels que révisés par la Loi constitutionnelle confèrent au Président de
la République des compétences exceptionnelles de dissoudre les Assemblées
provinciales et de révoquer les Gouverneurs des provinces. La condition de
crise persistante ne justifie pas de façon convaincante cette compétence
présidentielle, la Cour constitutionnelle existant avec la compétence de
trancher des conflits interinstitutionnels (art. 161, al. 3 Cst). Pour mettre
fin à une crise interinstitutionnelle, fût-elle persistante, il ne faut pas
toujours préconiser des solutions extrêmes, presque « mortifères »
pour les institutions, lorsqu’il existe une juridiction compétente.
De
plus, il aurait fallu chercher les causes des conflits interinstitutionnels.
Celles-ci sont liées davantage au manque de respect des textes définissant les
règles de jeu qu’à l’existence des institutions provinciales. Voilà pourquoi il
faut plutôt recourir au juge compétent, en l’espèce la Cour constitutionnelle.
Ainsi
donc, faire dépendre des institutions nationales le sort des institutions
provinciales ne peut pas ne pas être considéré comme une restriction des
prérogatives des provinces. Par ailleurs, le rôle d’arbitre que la Loi constitutionnelle
reconnaît au Président de la République comme moyen pour assurer le
fonctionnement régulier des institutions provinciales, comme nationales, ne
doit pas s’exercer en violation du principe de la séparation verticale des
pouvoirs voulu par le Constituant originaire[10].
En outre, l’arbitrage en droit constitutionnel ne consiste pas en une compétence juridictionnelle, mais bien en
une prérogative de sollicitation du pouvoir compétent[11].
On
retiendra, en fin de compte que la révision des articles 197 et 198 de la
Constitution est inconstitutionnelle, car le Constituant dérivé est allé
au-delà de son pouvoir, en violant l’article 220 de la Constitution qui
interdit toute révision visant à réduire les prérogatives des provinces.
3. Le contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnelle
La
question du contrôle de constitutionnalité d’une loi constitutionnelle se pose
du fait que celle-ci est un acte hybride, matériellement constitutionnel et
organiquement législatif. Aussi selon le critère pris en compte, on peut ou ne
pas soutenir ce contrôle. Mais qu’est-ce d’abord qu’une loi constitutionnelle ?
3.1. La notion de Loi constitutionnelle
Le
terme « Loi constitutionnelle » ne figure pas dans la constitution
congolaise. C’est une création de la doctrine et de la jurisprudence française[12].
Il désigne une loi modifiant ou complétant la Constitution. Adoptée selon la
procédure de révision, elle est la manifestation de volonté du pouvoir
constituant dérivé, c’est-à-dire le peuple ou le pouvoir législatif[13].
Les
lois constitutionnelles se distinguent d’autres catégories de lois par leur
objet, leur mode d’élaboration et leur auteur. Elles ont pour objet la révision
de la Constitution, c’est-à-dire l’organisation de l’État, la distribution des
pouvoirs entre les institutions et la garantie des droits et libertés. Leur
mode d’élaboration passe par une procédure plus complexe et plus lourde et une
adoption, soit par le Congrès à la majorité qualifiée des trois cinquièmes
soit, par le peuple se prononçant à travers le référendum. Leur auteur, c’est le constituant
institué sur habilitation du constituant instituant. Ce sont des lois parce
qu’elles sont votées par les deux chambres du Parlement. Mais selon qu’elles
sont approuvées par le Congrès ou par le Peuple, elles se nomment lois simplement constitutionnelles ou lois référendaires[14].
Ces dernières sont des révisions constitutionnelles adoptées par le peuple et
non des lois portant sur l’organisation des référendums.
Le
constituant institué ou dérivé dispose d’un pouvoir constitué créé par la
Constitution pour mettre en œuvre, selon la procédure définie par elle, les
compétences qui lui ont été attribuées. Le constituant instituant ou originaire
a un pouvoir entendu comme manifestation première et suprême de la souveraineté
populaire. Il crée les pouvoirs constitués et définit le cadre d’exercice de
leurs compétences. C’est pourquoi, ils lui sont conditionnés et subordonnés[15].
3.2. La compatibilité de la loi constitutionnelle avec l’idée de contrôle de constitutionnalité
3.2.1. Les arguments contre le contrôle des lois constitutionnelles
On
peut soutenir que l’objet et le mode d’élaboration des lois constitutionnelles
semblent incompatibles avec toute idée de contrôle de constitutionnalité. En
effet, le Constituant dérivé a pour mission de modifier la Constitution. Cette
fonction implique une totale liberté de décision du fait qu’elle est
l’expression du pouvoir du souverain de modifier, comme il lui plaît la
Constitution. Ce pouvoir-là ne peut être contrôlé. En outre, comme les lois
référendaires ne sont pas contrôlées, les lois constitutionnelles ne doivent
pas l’être non plus. Il ne faut donc pas établir une inégalité de traitement
entre des lois d’une même catégorie[16].
Mais il sied de préciser, tout de suite, qu’il s’agit d’une même catégorie
selon le critère fonctionnel et matériel, mais selon les critères organique et
formel, ce sont deux pouvoirs différents avec deux procédures différentes et,
donc, n’appartenant pas à une même catégorie. Ainsi, les actes du souverain ne
peuvent être contrôlés par une autorité instituée, mais ceux du pouvoir
législatif sont susceptibles d’être contrôlés par le juge constitutionnel.
Un
autre argument contre le contrôle des lois constitutionnelles tient au fait que,
du moment qu’elles sont adoptées selon la procédure prévue par la Constitution,
elles font partie de cette dernière. Le fait qu’elles soient adoptées par le Pouvoir
législatif ne modifie pas leur rang constitutionnel. Dès lors, le juge
constitutionnel ne peut pas en examiner la conformité à la Constitution, car sa
compétence est de juger la constitutionnalité des lois et non celle de la
Constitution. En outre, il n’existe pas dans un ordre juridique laïque de
normes méta-constitutionnelles auxquelles devraient se conformer, sous peine de
nullité, les normes constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel français
s’est déclaré plusieurs fois incompétent pour examiner la constitutionnalité
d’une loi constitutionnelle pour deux raisons : la première est qu’il
n’existe pas de textes constitutionnels conférant expressément au juge
constitutionnel la compétence d’examiner la constitutionnalité des lois
constitutionnelles ; la seconde est que la loi constitutionnelle est
partie intégrante de la Constitution et que le Constituant est souverain, qu’il
soit originaire ou dérivé[17].
3.2.2. Les arguments en faveur du contrôle des lois constitutionnelles
Si
la Cour constitutionnelle a compétence pour contrôler la constitutionnalité des
lois ordinaires et des lois organiques (art. 160, al. 1-3, et art. 124, chif. 3
Cst), rien ne pourrait s’opposer à ce qu’elle contrôle les lois
constitutionnelles qui sont des actes législatifs à part entière. Il est tout à
fait justifié de vérifier que les auteurs des lois constitutionnelles n’ont pas
dépassé les compétences que leur attribue la Constitution, spécialement au
regard des matières voulues irrévisables, par le Constituant originaire.
L’élaboration
d’une Constitution relève de la Nation qui est souveraine, c’est-à-dire libre,
après un bouleversement politique, de renforcer et d’organiser l’État comme
elle l’entend. La révision de la Constitution, elle, appartient à un pouvoir
institué qui a reçu cette compétence du pouvoir constituant originaire et dont
il dépend. L’exercice du pouvoir institué n’est pas libre. Il est conditionné
par les différentes règles de forme et de fond posées par le pouvoir instituant
et au regard desquelles il peut être contrôlé. Ce, d’autant plus qu’à la
différence du constituant originaire, le constituant dérivé est un pouvoir
public, et le juge constitutionnel est « l’organe régulateur de l’activité
des pouvoirs publics »[18].
On pourrait aussi prévoir un contrôle obligatoire par le juge constitutionnel
de la conformité à l’article 220 de la Constitution, du projet de la
proposition ou de la pétition de révision, après l’examen du
« bien-fondé » par le Parlement et avant leur soumission au Congrès
ou au référendum.
De
plus, on peut envisager le contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles, en se fondant sur la qualité de pouvoir constitué de
l’organe qui révise la Constitution émanant du Peuple souverain, d’une part, et
sur l’infériorité organique et formelle d’une loi constitutionnelle par rapport
à la Constitution, d’autre part. Certes, le pouvoir constituant institué est
habilité par le pouvoir constituant instituant. Mais il faut, pour éviter
d’éventuels abus, contrôler les actes de l’habilité qui doivent respecter le
cadre tracé par l’habilitant pour l’exercice de l’habilitation.
Le
juge constitutionnel ayant pour mission de contrôler la constitutionnalité des
actes du Pouvoir législatif, afin de corriger « l’irrationalité »
éventuelle de la démocratie représentative, il est donc normal de contrôler la
conformité de la volonté de la majorité au pouvoir manifestée à travers la
révision constitutionnelle, laquelle volonté peut ne pas toujours coïncider
avec la volonté générale, ni poursuivre l’intérêt général. Ce contrôle
permettrait d’éviter ainsi les dérives dictatoriales voire oligarchiques, et pourquoi
pas l’arbitraire de la majorité au pouvoir.
En
outre, le droit comparé connaît des juridictions constitutionnelles qui acceptent
de contrôler des lois constitutionnelles, sans toujours une base
constitutionnelle expresse, mais en se fondant, parfois, sur leur compétence
générale de juge de la constitutionnalité. C’est le cas en Afrique du Sud, aux États-Unis,
en Italie, en Inde, en Israël, et au Portugal. En France, dont le droit inspire
celui de la RDC, la doctrine s’accorde sur un contrôle abstrait des lois
constitutionnelles votées par le Congrès et non pas des lois référendaires[19].
En effet, notent Pactet et Mélin-Soucramanien, « autant il est certain que
dans une société démocratique le peuple doit demeurer le souverain ultime,
autant il est bien établi que l’action du parlement, fût-elle constituante,
n’est plus souveraine depuis la généralisation du contrôle de
constitutionnalité des lois. »[20]
L’institution
de la loi constitutionnelle permet à la majorité dirigeante de mettre facilement
en œuvre sa politique de réformes, en évitant la procédure longue et lourde du
référendum. Aussi, la procédure y aboutissant devrait ne concerner que les
projets de révision et non les propositions et les pétitions qui, en toute
logique, devraient être soumises obligatoirement à la procédure référendaire,
car on ne peut être partie et juge[21].
L’option de l’unique voie référendaire est conforme à la séparation des
compétences : la réforme de la loi appartient au final exclusivement au
Législateur, celle de la Constitution devrait aussi, en dernier ressort,
revenir exclusivement au Peuple, en tant que constituant originaire, car le Parlement
constituant n’est pas souverain[22].
Celui qui a adopté doit être celui qui révise.
En
attendant, rien n’empêche que les congolais qui ont qualité pour agir saisisse
le juge constitutionnel afin qu’il se prononce clairement sur la question. Aussi,
pourvu que le juge constitutionnel soit effectivement indépendant, un contrôle
de constitutionnalité des lois constitutionnelles est une nécessité au
Congo-Kinshasa. Il servirait à protéger
la majorité au pouvoir contre la suspicion et/ou la tentation de diktat, d’une
part, et à inciter le Pouvoir législatif
à respecter la Constitution, d’autre part.
Conclusion
La révision des articles 149, 197 et 198 de la Constitution
est inconstitutionnelle dans la mesure où elle touche aux matières intangibles
définies par l’article 220 de la Constitution, à savoir l’indépendance du
Pouvoir judiciaire et les prérogatives des Provinces. Dès lors, rien n’empêche
que le Juge constitutionnel soit régulièrement saisi, afin qu’il se prononce
clairement sur sa compétence en la matière, car la Constitution ne prévoit pas
expressément un contrôle de ce genre, ni a
priori, ni a posteriori.
C’est pourquoi, la cohérence du système exige quelques
amendements possibles. On peut prévoir absolument la saisine du Juge
constitutionnel avant l’adoption définitive de la révision par le Congrès ou
par référendum, car l’examen politique du « bien-fondé » de
l’initiative de révision prévu par l’article 218, alinéa 2 de la Constitution,
ne peut remplacer l’examen de sa conformité à la Constitution. Les lois
constitutionnelles, et non référendaires, peuvent, au surplus, être soumises à
un contrôle de constitutionnalité a
posteriori, si elles portent atteinte à des droits et libertés garantis par
la Constitution, car elles sont organiquement et formellement des actes
législatifs.
Somme toute, au lieu de faire dépendre le sort de la
Constitution de la volonté de toute majorité au pouvoir, je suis d’avis que
toute révision constitutionnelle devrait être soumise, en dernier ressort, au
Peuple qui est réputé être l’auteur de la Constitution, parallélisme des formes
oblige !
Prof.
Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE
Docteur
en droit
[2] Il
ressort des médias que la révision de la Constitution aurait été initiée par
les honorables Aubin Minaku, et Lutundula Apala, auxquels se serait ajouté
l’Honorable Tshibangu Kalala pour
la rédaction de la proposition de révision (voir :
http://www.direct.cd/index.php/fre/Actualite/La-une/Revision-constitutionnelle-la-Majorite-triomphe;
http://www.nyota.net/archives/2011/politique/janvier/politique-janvier2011-page4.html;
http://www.lephareonline.net/lephare/index.php?option=com_content&view=article&id=3123:lamp-repond-a-lopposition-parlementaire&catid=44:rokstories&Itemid=106 ).
[3] À noter que l’article
218 de la Constitution distingue ces deux actes : l’initiative de révision
par l’Assemblée nationale est prévue à alinéa1, chiffre 3 et sa décision du
bien fondé de la proposition de révision au deuxième alinéa.
[4] Cf.
l’article 3 de la Loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature : « Le
pouvoir judiciaire est dévolu aux Cours et Tribunaux civils et militaires ainsi
qu’aux Parquets près ces juridictions. »
[6] Dans cette étude, Cst est
l’abréviation de la Constitution congolaise et CstFr celle de la Constitution
française.
[7] À
noter que le texte de révision adopté par le Congrès note, dans l’examen de
l’Exposé des motifs, que le Parquet fonctionnera sous l’autorité du ministère
de la justice (De l’examen de l’Exposé des motifs du Projet adopté par le
Congrès, 4). Cette précision n’a pas été reprise dans la Loi constitutionnelle,
ce qui plonge le sort des Parquets dans l’incertitude juridique. Ceux-ci, en
effet, n’ont plus de fondement constitutionnel clair. Et même si on leur trouve
un fondement légal, il se posera la question de la base constitutionnelle
d’habilitation.
[9] Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 4e
éd., Quadrige, Paris 2003, Verbo
« Prérogative » ; Yves LE ROY / Marie-Bernadette SCHŒNENBERGER,
Introduction générale au droit suisse,
Schultess, Genève/ Zurich/ Bâle 2008, p. 28.
[10] Le Constituant
originaire est celui qui adopte la Constitution fondant un nouveau
régime ; tandis que le Constituant dérivé est celui qui approuve la
révision de la Constitution. En d’autres termes, le premier est l’auteur
juridique de la première Constitution d’un régime et le second est l’auteur
juridique de la révision constitutionnelle (Simon-Louis FORMERY, La Constitution commentée, Article par
article, 13e édition 2010-2011, Hachette, Paris 2010, ad 89 Cst Fr, p. 167).
[11]
Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, « La mise en
place de l’Interinstitutionnelle au regard des prérogatives du Président de la
République selon l’article 69 de la Constitution » : http:// www.droitcongolais.info, sous Études et Bibliographie juridiques / Études particulières.
[12] Voir : Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 9e éd.,
Montchrestien, Paris 2010, p. 220-221.
[13] Olivier DUMAHEL / Yves
MÉNY, Dictionnaire constitutionnel,
PUF, Paris 1992, verbis « Loi
constitutionnelle » ; Dominique ROUSSEAU, p. 220-221. À noter qu’aux Etats-Unis,
la loi constitutionnelle est dénommée « amendement ».
[17] C.C. 62-20 D.C., 6
nov. 1962, R. p. 27. C.C. 92-313 D.C., 23 sept. 1992, R. p. 94 et C.C.
2003-469 D.C., 26 mars 2003, R. p. 293; cf. Dominique ROUSSEAU, p. 223.
[19] Le Conseil
constitutionnel français maintient sa jurisprudence de 1962 dans laquelle il se
déclare incompétente de contrôler la constitutionnalité d’un acte du souverain.
Mais il a ouvert une brèche, en se fondant sur les limites à la révision posées
par la Constitution française elle-même, en son article 89, alinéa 4 et 5 :
d’une part, « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou
poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire » et,
d’autre part, « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire
l’objet d’une révision ». Le respect de ces limites, surtout de la
seconde, peut être contrôlé par le Conseil constitutionnel (C.C. 61-20 D.C., 6 nov. 1962, R. p. 27 ; C.C. 92-313 D.C., 23
sept. 1992, R. p. 94 ; C.C. 2003-469 D.C., 26 mars 2003, R. p. 293).
[20] Pierre
PACTET et Ferdinand MÉLIN-SOUCRAMANIEN, Droit
constitutionnel, 27e éd., Dalloz, Paris 2008, p. 543.
[21] Dans ce sens, l’article 89 al. 3 CstFr prévoit la possibilité de ne soumettre
au Congrès que les seuls projets de révision, à l’exclusion des propositions.
Il dit : « Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au
référendum lorsque le président de la République décide de le soumettre au
Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé
que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le
bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale ». L’al. 4 de
l’article 218 de la Cst et tel qu’il est révisé par la Loi constitutionnelle,
tout en inspirant, ne va pas jusqu’au bout de la cohérence française :
« Toutefois, le projet, la proposition ou la
pétition n'est pas soumis au référendum lorsque l'Assemblée nationale et le
Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité de trois cinquièmes des
membres les composant. »
[22] Dans ce sens, Moéa
VONSY, « Le ‘’Parlement constituant’’ n’est pas souverain », in Revue du Droit Public, n°3, 2007, p. 793.
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